Les Chinois connaissaient déjà l’opium, ils ne l’utilisaient pas comme drogue ou stimulant, mais plutôt comme analgésique. C'est à partir du XVIIe siècle, qu'ils ont commencé à l’utiliser comme drogue. Les premiers à leur en vendre furent les Portugais, l’opium venant d’Inde.
Les Britanniques décident de se lancer dans ce commerce des plus lucratifs. Les choses vont s’intensifier au fil du temps et en 1729 entraient environ 200 caisses d’opium par an en Chine. À la fin du XVIIIe siècle, plus de 4 000, et en 1838 plus de 40 000 (vendues par les Américains et les Britanniques).
Hong-Kong
Première Guerre de l'Opium Angleterre-Chine 1839-1842
Les Britanniques exigent de se faire payer en lingots d'argent, récupérant ainsi le précieux métal qu'ils avaient cédé dans le commerce du thé. La balance commerciale entre la Chine et l'Empire britannique s'inverse rapidement et spectaculairement en faveur des Britanniques. La corruption des fonctionnaires chinois qui contrôlent le trafic de drogue en Chine devient préoccupante et la drogue provoque des ravages dans la population. L'Empereur décide alors de réagir en s'en prenant aux intérêts britanniques.
En 1798, le gouvernement du Premier ministre britannique William Pitt envoie une ambassade à Pékin pour négocier un accord sur les échanges commerciaux sur la base de cette situation nouvelle. L’empereur, refusant de se faire « forcer la main » à cause de l’opium, préfère fermer son pays aux commerçants et aux missionnaires européens.
La réponse des Chinois.
Les Chinois vont tenter de réagir avec l’interdiction de fumer l'opium.
Les premières mesures de prohibition.
La cour décida de prohiber l’opium. En 1729, un premier édit, proclamé par l’empereur Yong Zheng (1723-1736), promulgue l'interdiction du trafic d’opium, le considérant dorénavant comme de la contrebande.
Cependant le trafic continue, et en 1796, un nouvel édit, proclamé par l’empereur Jiaqing (1796-1821), va confirmer l’interdiction du trafic de l’opium sous peine de mort. Cette fois, des sanctions contre les opiomanes seront également prises.
En 1800, l’empereur va proclamer un nouvel édit qui va confirmer la prohibition de l’opium et interdire sa culture sur le sol chinois ; les dépôts d’opium sont déplacés à Huangpu.
En 1809, une mesure administrative va être prise pour tenter d’entraver le trafic : les navires qui déchargent à Huangpu doivent fournir un certificat sur lequel est indiqué qu’il n’y a pas d’opium à bord. La corruption régnant parmi les fonctionnaires ne permet pas l'application stricte de ces mesures.
Rien ne semble pouvoir arrêter ce commerce très lucratif : en 1813, une caisse d’opium indien se vend 2 400 roupies (prix de revient de 240 roupies). En 1821, un nouveau décret chinois annonce que le commerce n’est plus possible à Huangpu, le marché se déplace à Lingding où il va se développer de 1821 à 1839. La Compagnie britannique des Indes orientales (East India Company) décide alors de contourner l'interdiction et augmente ses ventes illégales d'opium en Chine ; de 100 tonnes vers 1800 à 2 600 tonnes en 1838. Le commerce des Britanniques en Chine devient enfin excédentaire, en 1835, il y a 2 millions de fumeurs d’opium en Chine.
Prince Canh
Routes commerciales chinoises pour diffuser l'opium
La Guerre au trafic d'opium
Les autorités chinoises vont répondre de façon plus efficace. L’empereur Daoguang (1820-1850) demande conseil à une dizaine d’experts avant de prendre une décision. Au sein de la cour, il y a des partisans et des adversaires de l’opium : certains veulent légaliser le trafic ou plutôt la production chinoise, et d’autres voient le problème financier que la drogue va poser à la Chine. Un débat va s’engager pendant deux ans. Un de ces rapports va être présenté par le gouverneur général des provinces de Hubei et du Hunan, Lin Zexu (1775-1850).
Celui-ci est plutôt partisan de l’ouverture de la Chine au monde extérieur. C’est un farouche adversaire du trafic et son rapport défend l’interdiction de l’opium. Il propose une série de mesures pour limiter le trafic et la consommation de l’opium. Son texte est fondé sur sa pratique dans ses deux provinces : confisquer les stocks de drogue et accessoires de l’opiomanie.
L’empereur nomme en décembre 1838 Lin Zexu commissaire impérial de la province du Guangdong (Canton), il a pour charge de mettre un terme à l’usage de l’opium. Canton est, à l'époque, le port par lequel on importe la majorité de l'opium.
Lin Zexu dit Yuanfu, né le 30 août 1785 et mort le 22 novembre 1850
L'action de Lin Zexu.
En mars 1839, Lin Zexu arrive à Canton et établit la liste de toutes les fumeries d’opium, des tenanciers des fumeries et des vendeurs.
Il confisque tous les stocks d’opium de la ville : il donne ordre aux propriétaires de ces stocks de venir remettre la drogue et en échange il leur donne du thé. Ils doivent aussi s’engager par écrit à renoncer à faire du commerce avec les Chinois (vu que tous les propriétaires sont étrangers).
Le surintendant du commerce britannique devra alors coopérer avec Lin. En avril 1839, Lin fait parvenir à la Reine du Royaume-Uni, Victoria, un message pour lui dire que la consommation d’opium est interdite en Chine et lui demande d'en faire cesser le trafic.
Le 3 juin 1839, la drogue saisie est détruite, soit 200 000 caisses (1 188 tonnes). Lin édicte un règlement qui stipule que les bateaux étrangers qui entrent dans les eaux territoriales chinoises seront fouillés. L’opinion publique est favorable à cette interdiction.
Au nom de la défense du commerce, lord Melbourne, le Premier ministre de la reine Victoria, convainc le Parlement britannique d'envoyer un corps expéditionnaire à Canton, déclenchant du même coup la première guerre de l’opium.
La fièvre monte.
Au Royaume-Uni, environ 300 sociétés commerciales britanniques demandent au gouvernement britannique d’intervenir auprès des autorités chinoises. Certains veulent une intervention officielle des Britanniques pour qu’on leur paie leur marchandise détruite. Une campagne de presse est organisée pour déplorer tous ces incidents entre Britanniques et Chinois.
En Chine, les choses se tendent encore plus et il y a même des affrontements armés entre navires britanniques et jonques chinoises : le premier a lieu en septembre 1839 et le deuxième en novembre 1839. Lin Zexu interdit le port de Canton aux navires britanniques en décembre 1839, l’empereur décide de « fermer pour toujours » Canton aux Britanniques en janvier 1840.
Cette nouvelle parvient au Royaume-Uni. Un débat a lieu en avril 1840 à la Chambre des Communes entre les partisans d'opérations militaires pour la réparation des torts envers leurs commerçants et ceux qui veulent que le Royaume-Uni renonce à vendre de l’opium et du même coup renonce à une guerre. Les premiers auront gain de cause.
La guerre.
En avril 1840, une armada britannique est mise sur pied : 16 vaisseaux de ligne, 4 canonnières, 28 navires de transport, 540 canons et 4 000 hommes. Sous le commandement de l’amiral Elliot, ils arrivent au large de Canton en juin 1840. Un croiseur britannique bombarde Canton et occupe l'archipel voisin des Chousan (d'où est tiré le terme de « diplomatie de la canonnière »). Les britanniques attaquent Canton mais sans succès, car Lin a fait planter des pieux retenus par des chaînes dans le port pour empêcher les bateaux d'accoster. Il y a aussi une milice qui défend la ville.
Les Britanniques conquièrent Hong Kong (alors un avant-poste mineur) et en font une tête de pont. Les combats commencent réellement en juillet, quand les HMS Volage et HMS Hyacinth défont 29 navires chinois. Les Britanniques capturent le fort qui gardait l'embouchure de la rivière des Perles — la voie maritime entre Hong Kong et Guangzhou.
La cour chinoise prend peur, Lin Zexu tombe en disgrâce (condamné à l’exil) et il est remplacé par un aristocrate, Qishan.
Des négociations ont lieu à Canton : Qishan fait démolir les fortifications de Lin, dissoudre la milice en novembre 1840 et réduire le nombre de soldats.
Les Britanniques revendiquent :
La reprise du commerce avec le Royaume-Uni
Le remboursement des stocks d’opium détruits
La passation de Hong Kong (anciennement Îles Victoria) dans leur giron.
Qishan refuse. Les Britanniques tentent de le faire plier en attaquant et s’emparant de quelques ouvrages de fortification. Qishan prend peur et accepte les revendications.
Prince Canh
Hong-Kong - 1841
La cour chinoise pense que l'acceptation de Qishan ne concerne que la reprise du commerce. En apprenant que cela va beaucoup plus loin, l’empereur décide de destituer Qishan (condamné à mort pour mauvais services, puis à l'exil) et déclare la guerre aux Britanniques le 29 janvier 1841. L’empereur remplace Qishan par Yishan.
En 1841 les forces britanniques occupent la région autour de Guangzhou, puis prennent la ville voisine de Ningpo (de nos jours Ningbo) et le poste militaire de Chinhai.
Dans la province de Canton, les Britanniques se rendent vite maîtres des endroits stratégiques. Yishan met plusieurs semaines à arriver à Canton; l'assaut qu'il lance contre les Britanniques est repoussé et les Chinois se replient à l’intérieur de la ville. Yishan demande l’armistice et une convocation d’armistice (convention sur le rachat de Canton) est signée le 27 mai 1841. Cette convocation engage les Chinois à racheter Canton pour 6 millions de dollars aux Britanniques (dont un million le jour même). Mais elle repose sur un double malentendu utilisé par les diplomates britanniques : les Chinois considèrent cette action comme un prêt commercial alors que les Britanniques n’ont renoncé ni à l’indemnisation des stocks d’opium ni à Hong Kong.
Capitulation chinoise.
Les Britanniques veulent encore faire peur aux Chinois afin d’obtenir davantage avec une nouvelle négociation. En août 1842, une escadre britannique remonte le Yangzi Jiang jusqu'à Nankin, obligeant le gouvernement de l'empereur Tao-kouang à capituler et à signer le traité de Nankin le 29 août 1842. Ce traité donne aux Britanniques le libre commerce de l'opium, la fin de l'obligation de négocier uniquement avec les Co Hong et surtout la concession de l'île de Hong Kong qui sera reprise par la suite.
La victoire facile des forces britanniques, dirigées par le général Anthony Blaxland Stransham, affecte gravement le prestige de la dynastie Qing et a pu contribuer au déclenchement de la rébellion Taiping (1850-1862).
Route suivie par l'Anglettre lors de la première guerre de l'opium (1841)
20 Janvier 1841, Charles Elliot s'empare d'un îlot rocheux qui deviendra Hong-Kong
1842 : Fin de la première guerre de l’opium par la signature du Traité de Nankin.
Le 29 août 1842, les représentants de la Cour signent à bord d’une canonnière britannique le fameux traité de Nankin. Ce traité sera complété par la suite par deux autres traités conclus le 28 juillet 1843 et le 8 octobre 1843 (traité de Humen). Ces 3 traités reconnaissent aux Britanniques des droits :
1re clause : la cession de Hong Kong qui deviendra une place militaire et économique
2e clause : 5 ports sont ouverts : Xiamen, Canton, Fuzhou, Ningbo et Shanghai. Les Britanniques obtiennent le droit de s’installer dans ces ports et d’y vivre avec leur famille (pour les marchands). Le traité de Humen autorise la construction d'édifices dans ces ports.
3e clause : indemnités de guerre (frais + opium) : 21 millions[réf. nécessaire] de yuans, soit 1/3 des recettes du gouvernement impérial. Échéancier de 4 ans.
4e clause : douanes : les commerçants britanniques sont assujettis au paiement de droit sur les importations et exportations ; le montant est désormais fixé par les Chinois et les Britanniques.
5e clause : droit de la juridiction consulaire : en cas de litige entre un Chinois et un Britannique, une juridiction britannique tranchera sur base des lois britanniques.
6e clause : la nation la plus favorisée : si la Chine signe un traité avec une autre puissance, le privilège accordé à la nation en question sera de fait accordé au Royaume-Uni.
D’autres nations (États-Unis d'Amérique, France) demandent les mêmes privilèges que ceux accordés au Royaume-Uni.
États-Unis : en 1842, revendiquent les mêmes droits commerciaux et légaux. En 1844, ils les obtiennent par le traité de Wangxia (village près de Macao)
France : Avant la Guerre de l’opium, les Français étaient mal placés commercialement puis ils obtiennent les mêmes droits en octobre 1844 par le traité de Whanpoa. Ils obtiennent de plus le droit de construire des églises et des cimetières. Quelques jours après, ils obtiennent le droit d’évangéliser.
Les conséquences économiques et sociales de la 1re guerre de l’opium.
Après les traités de Nanquin, l’économie chinoise s’ouvre aux puissances étrangères et vice-versa. La Chine exporte plus de 100 millions de livres sterling de thé, deux fois plus qu'auparavant. De 12 000, les chinois exportent désormais 20 000 balles de soies en 1840, par le biais des Britanniques. Les commerces étrangers s’emploient à renforcer leur position et s’installent surtout à Shanghai (concession britannique en 1841, concession américaine en 1845, puis concession internationale). Shanghai devient une concession française en 1849 (enclave juridique avec ressemblance avec les quartiers français). Le commerce de l’opium continue de se développer. Il n’est toujours pas légal mais toléré : 40 000 caisses en 1838, 50 000 en 1850, 80 000 en 1863 (double en 25 ans).
Conséquences financières.
Avant 1821, la caisse est vendue entre 1 000 et 2 000 reales (monnaie d'or mexicaine alors très apprécié dans le commerce en Orient). Après 1838, entre 700 et 1 000 reales. La monnaie était le liang (traduit par taël en français). Le liang correspond à un poids d’argent variable. (37 g environ) et 1 liang = 1 000 sapèque (en cuivre). Les Chinois paient en liang. La monnaie d’argent se raréfie en Chine, la valeur augmente au détriment de la monnaie en cuivre. L'inflation monte :
Avant 1820, 1 liang = 1 000 sapèques
En 1845, 1 liang = 2 200 sapèques.
Cette hausse se reflète sur les Chinois qui n’ont que des sapèques, les impôts doublent.
Conséquences sociales.
À la campagne, les paysans s’endettent de plus en plus auprès des propriétaires fonciers. Les paysans mendient, se font bandits, rejoignent des sociétés secrètes.
En ville : le sort des artisans n’est guère plus enviable. Les produits
étrangers (cotonnades et fils) peuvent se déverser sur le marché chinois. Chômage pour certains, d’autres meurent de faim. Entre 1841 et 1849, on dénombre 100 soulèvements populaires environ. La Révolte des Taiping par exemple. Cette colère populaire se déverse contre les étrangers (mouvements d’hostilité) comme à Canton ou à Fuzhou.
La population se retourne aussi contre la cour, mais la révolte sera matée. En 1851, l'empereur Xian Feng accède au trône, les négociateurs des traités tombent en disgrâce et les Chinois veulent reprendre ce qu’ils ont consenti à donner sous la disgrâce.
Ville de NingPo depuis la rivière en 1843 - Révolte en 1844
Dès la première guerre de l'opium opposant l'Angleterre à la Chine, le gouvernement s'intéresse à la mer de Chine. En 1837, La France s'appercevait déjà du manque de moyens à destination de sa flotte mais la crise de 1840 révèle bien plus la fragilité de sa défense maritime. Guizot prononce en 1842 son fameux discours sur la politique des points d'appuis.
Bataille de Pa-Li-Kiao
Contexte.
Le traité de Nankin, faisant suite à la première guerre de l'opium, laissait cinq ports à disposition des Occidentaux pour le commerce.
Malgré cet accord, les puissances européennes, dont la balance commerciale était largement déficitaire, désiraient étendre leur commerce vers le Nord et vers l’intérieur de la Chine.
Par ailleurs, le commerce de l'opium était toujours illégal en Chine. Cependant, le vice-roi de la ville de Canton le pratiquait tout en faisant condamner à mort les étrangers accusés de ce commerce. C'est ainsi que la France et les États-Unis demandèrent, en 1854, des révisions dans le traité de Huangpu et le traité Wangxia. Le Royaume-Uni fit la même demande, citant les articles sur le « traitement égalitaire » dans les statuts des nations les plus favorisées.
En 1854, les ministres occidentaux et américains contactèrent de nouveau les autorités chinoises et demandèrent des révisions des traités :
1.Pouvoir pénétrer sans hostilité dans Canton.
2.Pouvoir étendre le commerce à la Chine du Nord et le long du fleuve Yangzi.
3.Le commerce de l’opium était toujours illicite, ils voulaient le légaliser.
4.Les Occidentaux voulaient traiter avec la cour directement à Beijing.
La cour impériale de la dynastie Qing rejeta alors les demandes de révision du Royaume-Uni, de la France et des États-Unis d'Amérique. Dès lors, les puissances occidentales cherchèrent d'autres moyens pour arriver à rééquilibrer une balance commerciale très déficitaire.
La guerre.
Les puissances occidentales estimaient que seule la guerre pouvait amener l'Empire chinois à changer de position. Dès lors, les puissances occidentales attendirent l'événement qui pouvait amener le conflit. Cet événement eut lieu le 8 octobre 1856, lorsque des officiers chinois abordèrent l’Arrow, un navire anglais enregistré à Hong Kong sous pavillon britannique, suspecté de piraterie et de trafic d'opium. Ils capturèrent les douze hommes d’équipage et les emprisonnèrent. Cet épisode est souvent appelé « l'incident de l'Arrow ».
Le pont de Pa-Li-Kiao, le soir de la bataille. Ci-dessous : palais d'été
Les Britanniques demandèrent officiellement la relaxe de ces marins en faisant valoir la promesse par l'empereur de la protection des navires britanniques. Ces arguments furent ignorés par les autorités chinoises. Les Britanniques évoquèrent ensuite l’insulte faite au drapeau britannique par les soldats de l'Empire Qing.
La première partie de la guerre.
Bien qu'affaiblis par une mutinerie difficile à réprimer aux Indes, la révolte des Cipayes (1857-1858), les Britanniques répondirent à l’incident de l’Arrow en 1857 en attaquant Canton depuis la rivière des Perles. Ye Mingchen, alors gouverneur des provinces du Guangdong et du Guangxi, ordonna aux soldats chinois en poste dans les forts de ne pas résister. Après avoir pris sans difficulté le fort voisin de Canton, l’armée britannique attaqua la ville elle-même. Les navires de guerre américains, y compris l'USS Levant, bombardèrent Canton. Les habitants ainsi que les soldats résistèrent à l'attaque et forcèrent les assaillants à battre en retraite vers Humen.
Le parlement britannique décida d'obtenir coûte que coûte réparation de la part de la Chine pour l’incident de l'Arrow, demanda à la France, aux États-Unis et à la Russie de s’allier à elle. La France rejoignit les Britanniques contre la Chine après l’exécution du missionnaire Auguste Chapdelaine (incident dit du père Chapdelaine), par les autorités locales chinoises dans la province du Guangxi. Les Américains et les Russes firent des offres d’aide aux Britanniques et aux Français, mais, finalement, ne les aidèrent pas militairement.
Les Britanniques et les Français désignèrent des ministres plénipotentiaires chargés des négociations avec les Chinois. Le représentant britannique était Lord Eldgin, l'ambassadeur français le baron Gros.
Prise du Fort Lyn, musée des Invalides, Paris
Ye Mingchen fut capturé et Baigui, le gouverneur de Guangdong, se rendit. Un comité mixte de l’Alliance fut formé. Baigui fut maintenu à son poste original pour maintenir l’ordre au nom de l’Alliance. L’Alliance maintint Canton sous son contrôle pendant près de quatre ans. Ye Mingchen fut exilé à Calcutta, en Inde, où il se laissa mourir de faim.
La coalition se dirigea ensuite vers le nord pour prendre les forts de Dagu, qui défendaient l'embouchure de la rivière Hai He en aval de Tianjin, en mai 1858.
L'enseigne de vaisseau Henri Rieunier (1833-1918), de l'artillerie de marine, assistera à toutes les opérations de la première partie de la guerre de Chine, ses écrits exceptionnels sont conservés et relatent les évènements, comme suit:
« L'aviso "Marceau" participe à la prise d'assaut de Canton, grand port de la Chine méridionale, le 28 décembre 1857 par les flottes combinées de l'Angleterre et de la France, à la suite d'attaques contre des navires marchands anglais. Le 20 février à Canton, Henri Rieunier embarque sur la canonnière la "Mitraille" dont il dirige les batteries d'artillerie.
Le 16 mars 1858, l'amiral de Genouilly, avec l'escadre quitte Canton pour la Chine du nord. Le 20 mai 1858, agissant de concert avec les Anglais, il s'empare des forts de Ta-Kou à l'embouchure du Peï-ho dans le Petchili avant de remonter le Peï-ho jusqu'à Tien-Tsin en direction de Pékin. La "Mitraille" dont l'équipage fut décimé - 2 officiers tués, un blessé - participe à leur attaque et à leur prise. Henri Rieunier fut chargé de miner et de faire sauter le fort sud de l'embouchure de Peï-ho, en juin 1858. La route de Pékin ouverte, le gouvernement chinois signe à Tien-Tsin les 27 et 28 juin 1858 avec l'Angleterre et la France, les traités qui mirent fin à la première expédition de Chine de la 2ème guerre de l'opium. L'affaire de Chine étant ou paraissant réglée, l'amiral Rigault de Genouilly porte ses forces sur la Cochinchine...etc »
Le Traité de Tianjin.
En juin 1858, le Traité de Tianjin conclut la première partie de la guerre à laquelle la France, la Russie et les États-Unis étaient parties prenantes. Ce traité ouvrit onze ports supplémentaires au commerce occidental. Mais, dans un premier temps, les Chinois refusèrent de le ratifier.
Les points principaux du traité étaient :
1.Le Royaume-Uni, la France, la Russie et les États-Unis auront le droit d’établir des missions diplomatiques à Pékin, jusque-là, cité interdite.
2.Dix ports chinois supplémentaires seront ouverts au commerce étranger, y compris Niuzhuang, Danshui, Hankou et Nankin.
3.Le droit pour tous les navires étrangers, y compris les navires commerciaux, de naviguer librement sur le Yangzi Jiang
4.Le droit pour les étrangers de voyager dans les régions intérieures de la Chine dont ils étaient jusqu’à présent bannis.
5.La Chine doit payer une indemnité au Royaume-Uni et à la France de deux millions de taels d’argent chacune.
6.La Chine doit payer une indemnité aux marchands britanniques de deux millions de taels d’argent pour destruction de leurs propriétés.
Prise de Canton
Les négociations se poursuivirent et, en novembre 1858, le gouvernement central accepta de légaliser le commerce de l’opium : en 1886 le commerce de l’opium porta sur 180 000 caisses (environ 10 000 tonnes). Dès 1878 on estime à environ 100 millions le nombre de consommateurs d'opium chinois (occasionnels ou réguliers).
Les Chinois acceptèrent que les droits de douane soient extrêmement faibles et que la gestion des douanes passe sous contrôle étranger.
La ratification eut lieu plus d'un an après. Le gouvernement chinois laissa traîner les choses et les Britanniques et Français eurent recours à la force pour aller plus vite : 11 000 Britanniques et 7 000 Français s’embarquèrent sur les eaux chinoises.
Le Traité d'Aigun avec la Russie.
Le 28 mai 1858, le traité d'Aigun est signé avec la Russie pour réviser les frontières entre la Chine et la Russie telles qu’elles avaient été définies par le traité de Nertchinsk en 1689.
Les Russes s’étendent vers la Chine, car ils ne peuvent s’étendre vers le Proche Orient (guerre de Crimée perdue, 1856). Il y a très longtemps que Russes et Chinois s’étaient entendus sur des frontières communes. Par la suite, les Russes avaient essayé de repousser les frontières (au-delà du fleuve Amour, en chinois Heilong Jiang) et avaient installé deux forts. Les Russes profitent de la deuxième guerre de l'Opium pour consolider leur avancée. Ils collaborent en sous main avec Français et Britanniques et se posent en médiateur. La Russie gagne la rive gauche du fleuve ainsi que le contrôle d’un territoire hors gel le long de la côte Pacifique, où elle fonde la ville de Vladivostok (le souverain de l’est) (anciennement Haishenwei) en 1860.
Les Russes ont les mêmes privilèges que les autres pays et la Chine reconnaît formellement leurs annexions de plus d'un million de kilomètres carrés de territoires.
La seconde partie de la guerre.
En 1859, après le refus de la Chine d’autoriser l’établissement d’ambassades à Pékin comme stipulé dans le traité de Tianjin, une force navale sous le commandement de l’amiral Sir James Hope encercla les forts gardant l’embouchure de la rivière Hai He, mais subit des dommages et fit retraite sous la couverture d’un escadron naval commandé par Josiah Tattnall. La force arriva à Pékin et occupa la ville le 6 octobre. Nommant son frère, le prince Gong comme négociateur, l’empereur chinois Xianfeng se réfugia dans son palais d’été de Chengde. Les troupes franco-britanniques incendièrent les deux palais d’été, le nouveau et l’ancien,à Pékin, après plusieurs jours de pillage. Le vieux palais d'été fut totalement détruit. Les trésors s'y trouvant furent préalablement répertoriés par le général français et son homologue britannique, et rapportés à Paris et Londres pour entrer dans des collections d'État ou encore des ventes aux enchères. Cependant, Pékin elle-même ne fut pas prise, les troupes restant cantonnées en dehors de la ville.
La Convention de Pékin.
Après la fuite de Pékin de l’empereur Xianfeng et de sa suite, en juin 1858, le Traité de Tianjin est finalement ratifié par le frère de l’empereur, le prince Gong, lors de la Convention de Pékin le 18 octobre 1860, mettant un terme à la seconde guerre de l’opium.
Le commerce de l’opium est légalisé et les chrétiens voient leurs droits civils pleinement reconnus, incluant le droit de propriété privée et celui d’évangéliser.
La convention de Pékin inclut :
1.La reconnaissance par la Chine de la validité du traité de Tianjin
2.L’ouverture de Tianjin en tant que port commercial, destiné au commerce avec Beijing
3.La cession du district de Kowloon au Royaume-Uni
4.La liberté de culte en Chine. Les missionnaires catholiques français ont le droit d’acheter des terres et de construire des églises.
5.L’autorisation pour les navires britanniques d’amener de la main-d’œuvre chinoise à l'étranger pour remplacer les esclaves récemment affranchis. Ces coolies partiront pour les mines ou les plantations de Malaisie, d’Australie, d’Amérique latine, des États-Unis.
6.Le paiement aux Britanniques et aux Français d’une indemnité augmentée à huit millions de taels d’argent chacun.
Combat de Chang Kia Ouang sous les murs de Pékin
Seconde guerre de l'opium Guangzhou
Les conséquences.
Les conséquences de la seconde guerre de l’opium sont :
Au niveau économique, l’empire doit donner de grosses sommes d’argent aux pays contre qui elle a été en guerre. De plus, la balance commerciale du pays reste déficitaire, car les exportations de thé ne suffisent toujours pas à équilibrer l’argent que les Chinois utilisent pour acheter l’opium. Durant les guerres de l’opium, les Russes ont profité du chaos régnant dans le pays pour envahir quelques territoires chinois. La Chine doit verser 50 millions de roubles1 au tsar pour tout récupérer.
La Chine est considérablement affaiblie par les deux guerres qui viennent de la ravager, mais aussi la révolte des Taiping qui continuera à faire rage jusqu'en 1864. Les puissances de l’époque en ont profité pour s'emparer de territoires. Ainsi, la Chine perd l’Annam au profit de la France, la Corée qui devient indépendante et beaucoup d’autres régions du grand empire chinois2.
Au niveau culturel, les pays qui ont gagné la guerre ont pillé de nombreux trésors comme les objets du « Palais d’Eté », qui a même été brûlé par les armées françaises et anglaises par la suite. Au niveau de la société, les pays vainqueurs peuvent continuer le commerce de l'opium, ce qui fait que de très nombreux consommateurs sortent de la clandestinité.
La Chine vit une période difficile à surmonter, et l’impératrice Cixi décide qu’il est temps que la Chine commence à se moderniser en prenant exemple sur les pays plus développés. Elle s’industrialise, commence à créer des armes, ses ports se développent et les bateaux à vapeur apparaissent, les lignes de chemin de fer arrivent dans le pays… Une des conséquences principale de la deuxième guerre de l’opium est donc la modernisation de la Chine, qui s’ouvre enfin sur le monde extérieur, ce qui lui permet de se développer.
L’empire chinois a donc perdu toute sa puissance à cause des guerres de l’opium. Leurs conséquences ont été catastrophiques pour le pays qui mettra des décennies à s’en remettre.
Intérieur du fort de Taku immédiatement après la capture, le 21 août 1860
Prise du Fort de Pei-Ho en août 1860 par les flottes anglo-françaisesPrise du Fort de Pei-Ho en août 1860 par les flottes anglo-françaises
Attaque & prise des forts du Pei-Ho Le 21 Août 1860, par les troupes Françaises et Anglaises.
Dans les premières décennies du XVIIe siècle, la pensée de la Chine hante les Français cultivés.
Les rapports des jésuites et leurs traductions de classiques chinois y sont pour beaucoup. L’équipée de Matteo Ricci relatée par son compagnon Nicolas Trigault dans l’ouvrage Histoire de l’expédition chrétienne au Royaume de Chine (1582-1610) est publiée dès 1615 en latin. La traduction française paraît à Lille en 1618. Matteo Ricci ouvre une voie à la mission chrétienne en Chine grâce à son approche amicale et respectueuse de la culture chinoise. La conversion de quelques grands lettrés chinois soucieux de mieux fonder la morale confucéenne jette en effet les fondements des chrétientés de Shanghai avec Paul Xu Guangqi et de Hangzhou avec Léon Li Zhicao et Michel Yang Tingyun. Ces
conversions laissent espérer un avenir brillant de l’Église en Chine.
De fervents catholiques, dont certains membres de la célèbre Compagnie du Saint Sacrement, se passionnent alors pour la mission, et en particulier pour la Chine. Que font, disent-ils, les Français face aux succès obtenus par les Portugais, les Espagnols, les Italiens et les Allemands ?
Ces sentiments patriotiques couvrent des motivations plus profondes d’ordre religieux. Saint Vincent-de-Paul entreprend alors l’œuvre de la mission auprès des plus déshérités des campagnes françaises. Le massacre des jésuites au Canada soulèvent une grande admiration pour ces martyrs de la foi.
Les interventions à Paris du jésuite Alexandre de Rodhes ouvrent un nouvel horizon vers la Chine et ses voisins. Au retour de sa mission au Tonkin, il est passé par Rome pour y défendre l’idée de former des prêtres et des évêques locaux, capables d’assurer la survie et le développement de l’Église dans ces pays lointains.
La Sacrée Congrégation de la Propagande fondée en 1622 cherche justement à prendre en main plus directement la mission de l’Église plutôt que d’en laisser le soin au Portugal ou à l’Espagne. On pense envoyer des vicaires apostoliques au Canada et en Asie pour développer des Églises locales directement soumises à l’autorité de Rome.
Des volontaires se présentent. Ils fraternisent déjà au sein d’une équipe de "bons amis" qui se réunissent à Paris. François Pallu (1626-1684)
Monseigneur François Pallu fondateur du séminaire Saint Joseph à Ayutthay (ancienne capitale du royaume), Siam, en 1666.
, chanoine de Tours, et Pierre Lambert de la Motte (1624-1679)
Pierre Lambert de La Motte (16 janvier 1624, à La Boissière près de Lisieux, Normandie - 15 juin 1679, Ayutthaya, Royaume d'Ayutthaya) est un religieux français, évêque, l'un des fondateurs des Missions étrangères de Paris. de Rouen se passionnent pour l’entreprise et finissent par obtenir de Rome des décisions concrètes. En 1658, trois vicaires apostoliques sont nommés par le pape Alexandre VII. Lambert de la Motte se voit confier la Cochinchine, François Pallu les provinces du sud de la Chine et un troisième vicaire apostolique, Ignace Cotolendi (1630-1662) d'Aix-en- Provence, Nankin et le nord de la Chine. Ce dernier meurt avant d’atteindre sa mission.
François Pallu est le premier à entrer en Chine en 1683 après avoir fait trois tours du monde, ballotté entre les missions portugaises et espagnoles peu portées à reconnaître l’autorité qui lui est confiée par Rome. François Pallu atteint Taïwan depuis les Philippines, l’année même où le gouvernement mandchou reprenait possession de l’île alors gouvernée par le fils de Koxinga. De ce fait, il n’entre pas en Chine. C’est la Chine qui vient à lui. Il fait tout de même la traversée pour entrer dans la province du Fujian en compagnie du P. Charles Maigrot de Crissey (1652-1730).
Au cours de ses navigations, il a rencontré à Madagascar le P. Navarrette, OP, qui lui a vanté les mérites du prêtre chinois Grégoire Luo, originaire du Fujian. Il a écrit une lettre à La Propagande le recommandant chaudement pour l’épiscopat. Grégoire fut nommé évêque dès 1674. Sa consécration fut retardée pendant dix ans, les dominicains espagnols y faisant opposition. En octobre 1684, sachant que Mgr Pallu se trouvait à Muyang près de son village natal, Grégoire se rend auprès de l’évêque français pour se faire enfin consacrer.
1684 : ambassade du roi de Siam, Phra Naraï,
Mais lorsqu’il arrive à Muyang, Mgr Pallu vient de mourir trois jours plus tôt le 29 octobre. Grégoire sera consacré premier évêque de Chine cinq mois plus tard à Canton par l’évêque franciscain Bernardin Della Chiesa.
Le compagnon de Pallu, Maigrot de Crissey, devient administrateur des missions de Chine. Nommé vicaire apostolique du Fujian par le pape Innocent XI le 5 février 1687, il entend exercer son pouvoir pour régler une affaire délicate.
Kosa Pan reçu au château de Versailles en 1686
En 1686, il a été accusé de jansénisme comme Pallu l’avait été en 1673. Ce genre d’accusation est en fait sans fondement dans la doctrine des missionnaires. Elle est plutôt une critique de leur rigorisme face à des pratiques qu’ils jugeaient superstitieuses. Par-dessus tout, elle est une arme utilisée par les jésuites pour justifier leur tolérance de la pratique des rites confucéens chez les convertis.
Matteo Ricci présente la doctrine chrétienne dans le cadre de la tradition confucéenne en cequ’elle a de meilleur. Il dialogue avec les intellectuels réformateurs sans trop aborder les implications pastorales qu’entraînerait leur conversion. Son Traité du Vrai sens de Dieu (Tianzhu shiyi) suit un itinéraire de religion naturelle, gardant pour la fin le mystère de foi du sacrifice de la croix et de la résurrection.
Malgré leur prudence, les jésuites font face à une persécution dès 1616 à Nankin. Le rituel chrétien choque la tradition chinoise. En 1621, le jésuite Nicolas Longobardi (1559-1654)
Nicolò Longobardo (1559-1654).
mène une enquête de deux ans à Pékin sur la religion des chinois. Il note que dans la pensée chinoise "ciel" se confond avec "nature" et ne peut en aucune façon traduire le mot "Dieu".
Il remarque aussi que les Chinois ont une notion insuffisante de l’immortalité de l’âme et que pour assurer la pureté de leur foi, il convient d’interdire leurs rites traditionnels. Bien qu’ayant accueilli la conversion de quelques grands lettrés, les jésuites ne peuvent assurer leur présence en Chine que grâce à des apports scientifiques et artistiques qui leur valent des postes officiels à la cour impériale.
Le mathématicien et astronome allemand Adam Shall (1592-1666) est placé à la tête du bureau d’astronomie avec la charge de fixer le calendrier officiel. Liés au milieu officiel de l’Empire, les jésuites adoptent une politique bien définie de tolérance du rituel confucéen qu’ ils interprètent comme simple acte de civisme. Les écrits de Longobardi sont brûlés.
Mais la situation est bien différente dans le sud de la Chine en milieu populaire. C’est à Canton
que le jésuite Longobardi a fait sa première expérience missionnaire. Au Fujian, le jésuite Aléni tente un dialogue pacifique avec les lettrés de la région, mais les premiers missionnaires espagnols, franciscains et dominicains, s’étonnent de voir ses disciples pratiquer le rituel confucéen en l’ honneur des ancêtres.
Le P. Moralès, OP, juge ces rites superstitieux et pose douze questions sur les pratiques autorisées par les jésuites. Il porte la cause à Rome en 1643, ouvrant ainsi parmi les missionnaires le triste conflit qui va devenir la "querelle des rites".
Ce conflit n’est pas simple débat autour d’une stratégie missionnaire. Il y va du scandale même de l’Évangile : aimer Dieu par-dessus tout, avant même l’Empereur et ses propres parents ; accueillir un salut par la foi en Jésus-Christ, témoin de l’amour de Dieu et non pas par la simple observance de la loi et des rites. Une telle religion met évidemment en cause une soumission inconditionnelle à un pouvoir totalitaire. Aujourd’hui, des intellectuels chinois voient dans le christianisme un apport au développement de la démocratie dans leur pays.
Outre la question des rites, les jésuites défendent leur pouvoir d’Église face aux premiers vicaires
apostoliques qui sont envoyés par Rome. Dans certaines régions, les jésuites entendent exercer le monopole de la mission. Leur expérience de la Chine et du Japon les a poussés à certains compromis avec les habitudes commerciales et culturelles de la classe dirigeante locale.
Les missionnaires nouveaux venus jugent ces comportements mondains et peu conformes à l’esprit de l’Évangile. Mgr Lambert de la Motte a dénoncé leurs pratiques commerciales et politiques dès les années 1660, les accusant de laxisme et de mondanité. Ces conflits de pouvoir sont soumis à l’arbitrage de Rome en même temps que la question des rites.
Les vicaires apostoliques doivent défendre leur cause. M. Nicolas Charmot (1655-1714), prêtre de Châlon-sur- Saône, parti de Port Louis le 13 février 1685, écrit de longs rapports sur l’état des missions dès son arrivée à Canton. M. Louis Quémener de Brest (1644-1704), procureur à Canton depuis début 1685 lui fait part des difficultés rencontrées.
Charmot est envoyé à Rome dès la fin 1686 pour plaider la cause des vicaires apostoliques. Mais de puissantes pressions jouent sur les décisions du pape. Les jésuites font valoir leur longue expérience de la Chine et leurs succès. Les Portugais regagnent de l’influence. En 1690 le pape Alexandre VIII crée pour la Chine les deux évêchés titulaires de Pékin et Nankin et les rend dépendants de l’archevêché de Goa.
1687 : carte des missions jésuites en Chine
En 1691, huit missionnaires français sont actifs en Chine dans les trois provinces du Fujian, du Jiangxi et du Guangdong. Au Jiangxi, M. Jean Pin (1643-1692) s’inquiète des réactions chinoises au comportement des troupes françaises au Siam. Dans la province de Canton, la paroisse de Chaozhou est animée par les Pères Philibert Le Blanc (1644-1720) et Jean Basset (1662-1707). Philibert Le Blanc a quitté la France le 22 septembre 1678, Jean Basset est parti le 13 février 1685.
Tous deux sont bacheliers en Sorbonne. Louis de Cicé (1648-1727) est procureur à Canton et Nicolas Charmot (1655-1714) rentré de Rome essaie d’ouvrir un séminaire. Au Fujian, Artus de Lionne (1655-1713) et Jean Gravé (1651-1696) sont implantés à Changle et "Hing Hua" (Xinghua). Maigrot de Crissey réside à Fuzhou. Il a baptisé 80 personnes en 1687 et 75 en 1688.
De leur côté, les jésuites sont bien en faveur à la cour de Pékin grâce à l’apport de missionnaires français envoyés par Louis XIV au service des sciences et des arts. En 1692, ils obtiennent de l’Empereur un édit de tolérance autorisant officiellement la pratique du christianisme dans l’Empire.
Mais dans la province du Fujian, le vicaire apostolique Maigrot de Crissey poursuit une longue enquête sur la religion populaire chinoise et y décèle de nombreuses incompatibilités avec la foi chrétienne. Ses nombreuses dissertations sur ce sujet sont précieusement conservées aux archives des Missions Étrangères où elles n’ont pratiquement jamais été étudiées. Le culte des ancêtres lui-même lui paraît chargé de superstitions. Il publie un mandement le 26 mars 1693 à Changle en vue de mettre fin aux divisions entre missionnaires. Il tranche nettement contre la pratique des rites confucéens. Il frappe d’interdit deux missionnaires portugais qui refusent de se soumettre. Sa sévérité provoque un soulèvement pendant la semaine sainte.
À la suite de ces remous M. Charmot retourne à Rome en 1695. Il y reste jusqu’à sa mort en 1714, informant les directeurs de Paris de ce qui se passe à Rome, attentif en particulier aux manœuvres des jésuites. Il ne laisse pas moins
de huit volumes de manuscrits.
M. Louis Quémener (1644-1704), son compagnon de Canton, s’était déjà rendu à Rome en 1692 pour discuter des divisions de diocèses envisagées par le Saint-Siège.
Ces efforts n’ont pas été sans fruits. En 1696, le pape Innocent XII relance les vicaires apostoliques en limitant la juridiction des évêchés portugais de Pékin (Hebei, Shandong et Liaodong) et de Nankin (Jiangsu et Henan).
La bulle pontificale d’octobre 1696 institue M. Maigrot évêque titulaire de Conon et M. Le Blanc vicaire apostolique du Yunnan sans caractère épiscopal. Philibert Le Blanc, originaire de Beaune, est entré en Chine en 1683 en même temps que Mgr Pallu. Il se rend dans la lointaine province du Yunnan vers la fin 1702. En décembre 1696, le pape Innocent XII nomme Artus de Lionne évêque de Rosalie et vicaire apostolique du Sichuan. Artus de Lionne est le fils d'Hugues de Lionne, ambassadeur de France à Rome puis ministre des Affaires étrangères de Louis XIV.
S’étant engagé au service des Missions Étrangères, il part en 1681 pour le Siam où il est nommé coadjuteur de Mgr Louis Laneau (1637-1696). Après l’intervention des troupes françaises au Siam en 1689, il se rend en Chine, rejoignant les confrères des provinces de Canton et du Fujian.
Il crée deux nouvelles missions dans la province du Anhui, à Kuo-si (Guichi) et Ou-hou (Wuhu). En
1700, il est sacré évêque à Fuzhou par Mgr Maigrot.
À Rome, Innocent XII tente de régler l’affaire des rites. Une commission de cardinaux est nommée en 1699. Les directeurs du Séminaire des Missions Étrangères écrivent une lettre au pape (AME vol.14, p.203). La question des rites est traitée plus longuement dans un mémoire daté du 29 septembre 1700 (AME vol.14 p.562).
Les jésuites de Pékin ont obtenu de l’Empereur un rescrit établissant le caractère non superstitieux des rites en l’honneur des ancêtres. Mais ce rescrit est interprété à Rome comme une ingérence abusive du pouvoir politique dans une question purement théologique et ecclésiastique. Dans un décret signé le 20 novembre 1704, le pape Clément XI reprend toute l’histoire de la controverse et conclut par un interdit définitif.
Cette année-là, l’évêque piémontais Charles Maillard de Tournon,
Charles Thomas Maillard de Tournon, né le 21 décembre 1668 à Turin, au Piémont (ou Rumilly), alors dans le duché de Savoie et mort le 8 juin 1710 à Macao
envoyé dans les missions d’Asie comme légat du pape, vient de faire une visite en Inde où il a imposé des restrictions à la pratique des rites malabars autorisés par les jésuites. Il quitte Pondichéry en juin 1704 et se dirige vers la Chine. L'année suivante, le 4 décembre 1705, il arrive à Pékin en vue d’établir des relations régulières entre l’Empereur de Chine et ce pape que les Chinois appellent "l’Empereur de la religion" (jiaohuang). L’Empereur Kangxi le reçoit avec tous les honneurs dès la fin du mois de décembre.
Mgr de Tournon fait son enquête sur la pratique des rites chinois. Il prête une oreille attentive aux rapports du P. Visdelou, SJ qui, contrairement aux autres jésuites, juge que la religion chinoise est incompatible avec la foi en un Dieu personnel et transcendant. Inquiet de ces orientations, l’Empereur exige du légat qu’il lui soumette le rapport écrit qu’il devra présenter à Rome. En juillet, il fait venir à son palais d’été de Chengdu Mgr Maigrot de Crissey. Il a appris que Maigrot fondait son opposition à la pratique des rites traditionnels sur une étude approfondie de la religion chinoise. Maigrot a l’audace d’exprimer ouvertement ses divergences de vue avec celles de l’Empereur.
Incapable de convaincre cet étranger, l’Empereur durcit ses
positions. Le 17 décembre 1706, un édit impérial ordonne que tous les missionnaires soient munis d’un "piao", un billet les autorisant à enseigner en Chine s’ils acceptent de ne pas s’opposer aux rites traditionnels. Quant à Maigrot, il est expulsé
du pays.
Le légat de Tournon de son côté apprend la décision prise à Rome en novembre 1704. À Nankin, le 7 février 1707, il publie un mandement interdisant pratiquement à tous les missionnaires de signer le piao. Tous doivent déclarer aux autorités civiles que les cérémonies en l’honneur de Confucius et des ancêtres ainsi que le culte des tablettes représentant l’âme des parents défunts sont inacceptables aux chrétiens.
L’Empereur lui donne ordre de quitter le pays. Il se retire à Macao où il vit ses dernières années sous bonne garde. Le pape Clément XI approuve ses décisions et en fait un cardinal. La bulle Ex illa Die du 19 mars 1715 exigera de tous les missionnaires un serment d’obéissance aux décrets interdisant les rites chinois.
Incapables d’accepter le piao, les missionnaires étrangers doivent sortir du pays. Au XVIIIe siècle,
l’avenir de l’Église en Chine va reposer sur quelques prêtres chinois. Ceux-ci devront exercer leur ministère la plupart du temps dans la clandestinité. Les successeurs de l’Empereur Kangxi accentueront la répression du christianisme déclaré culte pervers (xiejiao).
Au Sichuan, Mgr Artus de Lionne, vicaire apostolique depuis 1696 , réussit à recruter quatre prêtres pour son vicariat. En 1700, Il confie aux pères des Missions Étrangères Jean Basset (1662-1707) et Jean-François Martin de La Baluère (1668-1715) la ville de Chengdu et la partie occidentale du Sichuan. Deux lazaristes, disciples de Saint Vincent-de-Paul, l'un italien, Appiani, et l'autre alsacien, Mullener, se mettent aussi à sa disposition.
Ces "prêtres de la mission", qui rendront populaire le nom de "missionnaires", sont envoyés en Chine par la Propagande pour y ouvrir un séminaire. Ils espèrent pouvoir y parvenir dans une région reculée de la Chine. Mgr de Lionne leur confie Chongqing et la partie orientale du Sichuan. Deux congrégations missionnaires différentes se trouvent ainsi assumer des responsabilités dans la même province. Bien que fort peu nombreux et confrontés à des difficultés considérables, les pères de ces deux sociétés vont malheureusement se disputer le territoire.
Ces missionnaires ont pour préoccupation première de former des prêtres chinois. Leur projet rencontre un obstacle majeur. L’étude du latin est requise par la congrégation de la Propagande en dépit d’autorisations anciennes d’usage du chinois. Malgré le souci d'adaptation exprimé dans les Instructions de 1659 la S.Congrégation de la Propagande a pris résolument parti pour le latin.
Le lyonnais Jean Basset, écrit un long mémoire en 1702 à Chengdu sous le titre: Avis sur la Mission de Chine. Déplorant le triste état de l'Église au Sichuan après tant d'efforts passés, il ne voit qu'un remède : traduire la Bible et autoriser une liturgie en chinois. "Ce fut, note-t-il, la pratique des apôtres et c'est le seul moyen de familiariser les Chinois avec le message chrétien".
Jean Basset se met lui-même au travail et produit en six gros volumes une traduction chinoise du Nouveau Testament. En attendant une réponse à ses requêtes, Jean Basset recrute trois jeunes enfants au cours d'un voyage dans la province du Shaanxi.
Comptant les préparer au sacerdoce, il confie leur instruction à son confrère La Baluère. Ce dernier commence à leur enseigner à la fois le latin et le chinois. Basset fait valoir qu'ils apprendront plus facilement en ne faisant d'abord que du chinois. En fait de méthode pédagogique, Basset rêve encore d'une réponse favorable à son projet de liturgie chinoise. Ironie du sort, l'un de ces enfants, André Li, est appelé à devenir l'un des meilleurs latinistes de la Chine.
Bannis de leur mission pour refus de signer le piao, le père Basset meurt à Canton et La Baluère place ses séminaristes à Macao. M. Le Blanc, vicaire apostolique du Yunnan depuis 1696, prend soin des séminaristes. En 1717, il envoie sept Chinois, dont André Li, au Collège général du Siam. Le Collège général, fondé par Mgr Lambert de la Motte en 1665, avait déjà traversé bien des épreuves. De 1717 à 1727, le Collège, installé à Mahapram, connaît une belle période sous la direction de M. André Roost (?-1729), licencié en Sorbonne, ancien régent du Collège des Trésoriers à Paris. L'arrivée des élèves chinois renforce les effectifs.
En 1718, cinquante élèves sont répartis en six classes où l'on enseigne la philosophie et la théologie, les humanités, le latin et les langues d'Extrême-Orient. Le succès même de ce séminaire semble avoir soulevé les jalousies portugaises. Le supérieur M. Roost, accusé de jansénisme, est rappelé à Paris. Le jeune théologien André Li prouve alors sa maîtrise du latin en prenant hardiment la défense de son maître. Aucours de l'année 1725, il est ordonné prêtre par Mgr de Cicé, à l'âge de 33 ans.
Comme son confrère Antoine Tang, André Li appartient désormais à la Société des Missions Étrangères qui l'a formé au sacerdoce. Il en reçoit un modeste viatique. Après un an au service du Collège, il rejoint Canton en septembre 1726 et se met à la disposition du procureur des Missions Étrangères M. Antoine Guignes. Celui-ci lui fait prêter le serment anti-janséniste requis par la Bulle Unigenitus et l'envoie en mission au Fujian à Hinghoa, un district encore administré par les Missions Étrangères bien que l'ensemble de la province soit confié aux dominicains espagnols. Antoine Tang l'y rejoint bientôt.
En 1732, il est envoyé au Sichuan, mais l'entrée de cette terre promise lui est interdite par Mgr Mullener. Demeuré seul vicaire apostolique au Sichuan, celui-ci entend administrer l'ensemble de la province avec ses confrères lazaristes. Le Père Joachim de Martiliat (1706-1755), auvergnat, rejoint André Li en 1733. Tous deux sont résolus à pénétrer au Sichuan, faisant valoir l'œuvre entreprise dans cette province par les M.-E. au début du siècle.
En janvier 1734, ils remontent le Fleuve bleu et finissent par se faire une place dans la province. En mars 1737, une réponse de Rome autorise Martiliat et les Missions Étrangères à rester au Sichuan. Mullener confie alors à André Li les districts où il a déjà rayonné ainsi que la ville de Kiatin (Leshan) plus au sud, espérant le voir tenter une entrée au Yunnan. André Li s'oriente en ce sens. Il se fixe à Pengshan. Avec Martiliat et le catéchiste Lin Chang, il prépare l'ouverture de chrétientés à Kiatin (aujourd’hui Leshan) et même plus au sud à Suifu (Yibin).
Ces chrétiens du Sichuan sont dispersés dans les villages et doivent vaincre de nombreux obstacles pour demeurer fidèles. Les exigences du mariage chrétien, le devoir d’honnêteté dans l’usage de l’argent, le rejet des superstitions les mettent souvent en porte-à-faux. Car la population locale est habituée à contracter des mariages d’enfants, à faire des prêts usuriers, à conjurer le mauvais sort, à pratiquer des rites divinatoires dans les temples.
Le fait que les chrétiens refusent de pratiquer les rites traditionnels lors des enterrements ou qu’ils s’abstiennent de prendre part au culte des ancêtres est souvent considéré comme scandaleux.Ils peuvent être facilement dénoncés aux magistrats par des gens qui leur veulent du mal pour des raisons diverses. Ils sont alors sévèrement punis d’un nombre impressionnant de soufflets ou de coups de bâton. Le châtiment est encore plus sévère si les chrétiens ont le courage de cacher un missionnaire étranger qui a pu se glisser dans la province malgré l’interdit.
Lors de la persécution des années 1746-1747, Martiliat lui-même doit quitter la Chine. Mgr Mullener est mort quelques années auparavant. En 1746, André Li reste seul au Sichuan. Soucieux de bien remplir son ministère en toute fidélité à l'Église, il entreprend la rédaction de son Journal. Il s'agit d'un compte rendu de ses activités destiné à ses supérieurs.
Chaque année, il fait parvenir ce journal au procureur des Missions Étrangères à Macao. On peut y lire le détail de plus de quinze années d'apostolat, du 15 juin 1747 à la fin 1763. Il administre toutes les chrétientés de la province, quelle que soit la nationalité ou la congrégation qui s'en était d'abord occupé. Il regrette seulement de ne pouvoir donner le sacrement de confirmation aux néophytes.
À partir de 1749, André Li a la joie d'accueillir deux confrères chinois, les pères Luc Li et Étienne Siu, ordonnés à Macao en 1747. Un décret romain daté du 8 janvier 1753 confie la province du Sichuan aux Missions Étrangères de Paris.
Malheureusement, personne à cette époque ne songe à nommer André Li vicaire apostolique, alors qu'il en remplit en fait la fonction. Les Européens se considéraient seuls qualifiés pour diriger la vie de l'Église, même s'ils n'avaient personne sur le terrain. En 1764, il est question d'élever André Li à l'épiscopat. Un directeur de Paris, le Père Kerhervé, est alors invité à assumer la charge de vicaire apostolique du Sichuan. Ce père, de santé fragile, fait alors valoir que le Père André Li serait plus qualifié pour pareille tâche : "André Li, écrit-il à M. Lalande, s'acquitterait mieux de cette fonction. Ce vénérable prêtre est, de l'aveu de tout le monde l'âme et le soutien de la mission".
Mais c'est François Pottier (1726-1792), un jeune prêtre français ordonné à Tours en 1753 et arrivé au Sichuan en 1756 qui prend en charge comme provicaire les cinq à six mille chrétiens dispersés dans la province. Arrêté au bout de trois ans de visites pastorales, il est torturé et fait quelques mois de prison à Chongqing. En 1767 il est nommé évêque d’Agathopolis et vicaire apostolique du Sichuan.
Sa consécration épiscopale le 10 septembre 1769 a lieu à Xi’an au Shaanxi où il a dû fuir lors d’une persécution. Pendant ce temps, le vieux Père André Li consacre les dernières années de sa vie à la formation de séminaristes. La maison de Chengdu ayant été vendue en 1764 par le Père Pottier, il se retire avec sept élèves dans une chaumière à Fenghuangshan, 7 Km à l'ouest de Chengdu. Sa pauvre école lui rappelant l'étable de Bethléem, il l'appelle séminaire de la Nativité.
Mais son école ayant été dénoncée aux autorités, la chaumière est détruite en 1770.
Quelques années plus tard, Mgr Pottier reprend l'œuvre de formation de futurs prêtres en fondant en 1780 un séminaire à Long-ki (Longxi) dans la région frontière du nord Yunnan. De 1780 à 1814, quarante prêtres sortent de ce séminaire, transféré à Lo-lang-keou (Luoranggou) au sud Sichuan peu après son ouverture.
Il n’y a en fait qu’une courte distance entre les deux séminaires et lorsque la persécution sévit dans l’une des deux provinces, les étudiants peuvent passer d’un séminaire à l’autre. En 1783, Mgr Pottier choisit comme coadjuteur Jean de Saint Martin (1743-1801) et le consacre évêque à Tcheng-tou (Chengdu) le 13 juin 1784.
Emprisonné puis expulsé de Chine l’année suivante, Mgr de Saint Martin revient prendre son poste en 1792, année de la mort de Mgr Pottier. Il assure sa propre succession en prenant comme coadjuteur Gabriel Taurin Dufresse (1750-1815) qu’il consacre évêque de Tabraca en 1800. Ce nouvel évêque a déjà une vingtaine d’années d’expérience au Sichuan où il est arrivé en 1776.
Son ministère a été interrompu par la persécution de 1784. Emprisonné, conduit à Pékin puis exilé à Macao et aux Philippines, il est revenu clandestinement à Chengdu en 1789 et a été chargé des missions du Sichuan oriental et du Guizhou. À la mort de Mgr de Saint Martin en 1801, il prend en charge l’ensemble de la province.
En dépit de l'insécurité et de multiples déboires, l'Église du Sichuan est alors relativement prospère. En 1756, il y a dans la province 4 000 chrétiens et deux prêtres chinois. En 1802, les effectifs décuplent avec 40 000 chrétiens et 16 prêtres chinois. L'expérience pastorale accumulée au cours du XVIIIe siècle permet d'établir un directoire général des conditions de la vie chrétienne et du ministère des sacrements.
En 1803, Mgr Dufresse réunit près de Chongqingzhou, 40 km à l’ouest de Chengdu, le premier synode de Chine. Treize prêtres chinois et deux prêtres français y participent. Les décisions concernent surtout la pastorale des sacrements. Le chapitre 10 porte sur le ministère des prêtres, recommandant ferveur de vie spirituelle et discrétion dans les affaires temporelles. Les dispositions du synode du Sichuan guideront l'apostolat dans cette province jusqu'au Concile de Shanghai en 1924.
Dès la première décennie du XVIIIe siècle, un catéchiste est particulièrement actif au Sichuan, Lin Chang. En 1719, Mgr Mullener nomme ce chrétien hors pair catéchiste général de la province. Il est admis à la tonsure et ordonné acolyte. Deux ans plus tard, lors d'une persécution suscitée par un musulman, Lin Chang est arrêté et soumis à la torture. Dans sa prison, il trouve moyen de convertir un de ses compagnons d'infortune. Mgr de Cicé songe à lui conférer le sacerdoce. On lui fait apprendre le canon de la messe, mais ce hardi prédicateur se révèle incapable de prononcer correctement les lettres latines. Poursuivant infatigablement son oeuvre d'évangélisation, il meurt le 6 août 1745.
Les catéchistes sont loin d'être de simples interprètes de pères étrangers malhabiles à parler la langue. Le père André Li, convaincu de leur mission spécifique, organise pour eux une cérémonie d'institution. Son "Journal" rend compte d'une telle célébration dans la chrétienté de Taoba aux environs de Chongqing : "9 décembre 1755. - Selon la coutume des anciens, après
un jeûne et des prières publiques de trois jours, à défaut d'une élection que ne permettait pas le
petit nombre des chrétiens, nous avons tiré au sort les noms de trois catéchistes de la famille
Lieou.
Devant les prêtres et les fidèles, après la messe célébrée pour eux, ils ont été invités à prêter sur le crucifix le serment suivant :
"Je soussigné, appelé à remplir, malgré mon indignité, la charge de catéchiste; ne me reconnaissant pas le droit de me dérober à la demande des supérieurs et à l'appel unanime des Chrétiens; humblement prosterné devant l'autel de Notre-Seigneur Jésus-Christ crucifié et devant son représentant; en présence de mes parents et de mes amis, je jure et je promets, de coeur comme de bouche,de m'acquitter fidèlement, avec la grâce divine, de mes fonctions…”.
Les catéchistes, chargés de faire appliquer la discipline d'Église, n’ont pas la tâche facile. Certains se taisent sur les règles les plus gênantes de la vie chrétienne ; d'autres se trouvent mêlés à des affaires d'argent et sont victimes de chantages. La plupart des catéchistes sont des pères de famille non rétribués qui doivent aussi veiller au bien-être des leurs. Ce ne sont pas forcément eux qui attirent des convertis. Ce sont plutôt les néophytes, ardents à propager leur foi.
D'autres catéchistes, par contre, servent l'Église à plein temps, annoncent l'Évangile aux païens et visitent les chrétientés. C'est parmi eux que se dégagent quelques vocations au sacerdoce. Les
Monita ad Missionarios, directives pour les missionnaires écrites par François Pallu et Lambert de La Motte à Ayuthaya en 1664, donnent des indications à cet égard.
Les missionnaires sont invités à nommer un responsable ou un catéchiste à la tête de chaque chrétienté en vue d'établir l'Église locale. Parmi eux, ils devront choisir les plus responsables
comme candidats au sacerdoce. Un temps de service comme catéchiste est en fait la meilleure épreuve pour les futurs prêtres. C'est le cas pour Benoît Sun, Jean-Baptiste Jiang et Augustin Zhao qui accompagnent le père Jean Martin Moye dans ses visites pastorales. Benoît est ordonné en 1777 par Mgr Pottier après cinq ans de service. Il mourra en prison neuf ans plus tard. Jean-Baptiste et Augustin sont ordonnés en 1781 après un séjour d'une année à peine au nouveau séminaire de Longki.
Augustin Zhao se montre d'un tel courage que Mgr Pottier l'envoie défricher une mission difficile chez la minorité lolo du Yunnan. Lors de la violente persécution déclarée sous l'empereur Jiaqing, il est dénoncé par un malfaiteur, arrêté, battu souffleté. Il meurt en prison le 27 janvier 1815.
Son évêque français Mgr Dufresse est décapité en septembre de la même année, également à Chengdu. Tous deux seront béatifiés par le pape Léon XIII en 1900 et canonisés à Rome le 1er octobre 2000. Augustin Zhao est premier de liste des 120 martyrs de Chine canonisés par le Pape Jean Paul II.
Les catéchistes de Chine ont contribué à poser les fondements de leur Église par le témoignage du sang. Leur rôle s'est peu à peu institutionnalisé en deux types de ministère : responsables locaux et évangélistes itinérants. Les responsables locaux assurent un service stable comme chefs de communauté (huizhang) ou comme directeurs d'une petite école où ils enseignent le catéchisme.
Les catéchistes itinérants sont plus pleinement engagés au service de l'Évangile, qu’ils accompagnent le prêtre ou qu'ils soient envoyés seuls en mission. Ils œuvrent à la conversion des païens, ce qui suppose une formation apologétique et doctrinale suffisante. Ils instruisent souvent eux-mêmes les convertis. Conscient de l’importance de leur tâche, Mgr Martiliat, devenu administrateur des provinces du Sichuan, Huguang (Hubei,Hunan) et Guizhou 1744, a établi une règle en 16 directives pour la formation spirituelle et les devoirs des catéchistes.
Jean-Martin Moye et les Vierges chinoises Mgr de Martiliat se préoccupe également d’une règle de vie pour les femmes consacrées qui exercent un apostolat auprès des femmes. Le 1er novembre 1744, il promulgue un règlement qui adapte les principes de la vie religieuse aux circonstances spéciales dans lesquelles vivent les Vierges chrétiennes.
Les points essentiels en sont : vie recluse dans la demeure familiale, prière, obéissance, travail manuel, dans la simplicité et le détachement. Les voeux ne sont pas autorisés avant l'âge de 25 ans. Cette première forme de vie consacrée exclut tout travail apostolique à l'extérieur. Les Vierges ne sont apôtres que dans leur milieu familial.
Les Vierges sont appelées à sortir de leur réclusion dans les dernières décennies du XVIIIe siècle. Elles prennent alors une part active à l'instruction chrétienne des filles et des femmes. Le promoteur le plus convaincu de cette nouvelle forme d'apostolat est le père Jean-Martin Moye, provicaire au Sichuan oriental et au Guizhou à partir de 1773. Avant de venir en Chine, ce prêtre français a fondé en Lorraine la Congrégation des soeurs de la Providence, consacrées à l'instruction des enfants.
Ses premières expériences des chrétientés chinoises lui donnent le sentiment que les femmes sont plus fidèles et dévouées que les hommes. Mais leur instruction est généralement très sommaire. La plupart sont illettrées. Elles ne savent que réciter les prières par cœur. Conscient du potentiel que représentent les Vierges chrétiennes, il leur confie des missions à l'extérieur et s'efforce de créer de petites écoles de filles avec leur aide.
L'une des tâches que Jean-Martin Moye confie aux femmes est le baptême des bébés en péril de mort. Inspiré par les considérations théologiques du théologien lazariste français Pierre Lollet, il attache une grande importance à cette œuvre de salut. Famines et épidémies font rage au Sichuan et la mortalité infantile est considérable. Martin Moye envoie en mission des "baptiseuses" qui engrangent une abondante moisson de bébés chrétiens, lesquels malheureusement meurent tous après avoir reçu le don de la vie éternelle.
Comme une terrible famine fait des ravages dans la population en 1779, il envoie des baptiseuses multiplier les baptêmes de bébés mourants alors que ses confrères se montrent beaucoup plus discrets. 20 000 bébés moribonds sont baptisés dans son district et seulement 10 000 dans tout le reste de la mission. Il rédige le 7 octobre 1779 un "Avis aux âmes charitables d’Europe" pour suggérer un financement des baptiseuses. Mais cette activité éveille les soupçons et l’hostilité de la population chinoise. Le baptême en vient à être interprété comme un maléfice qui tue les bébés. Mgr Pottier tente de réduire ce genre d’apostolat. Rome ayant été consulté sur cette question des baptêmes de bébés par Jean-Martin Moye lui-même, puis par Mgr Pottier, la réponse de la Propagande donne raison à l’attitude plus prudente et restrictive de Mgr Pottier.
Le baptême des bébés en Chine va pourtant prendre de l’ampleur, en particulier dans la province voisine du Guizhou qui se trouve alors dans le rayon d’action de Martin Moye.
Les baptiseuses exercent leur activité dans les pharmacies et dispensaires. Des orphelinats s’ouvrent dans la plupart des missions, soutenus financièrement par l’œuvre de la Sainte Enfance fondée en 1848 par l’évêque de Nancy Charles de Forbin-Janson. Des milliers de petites filles abandonnées reçoivent ainsi une éducation chrétienne.
Tenant compte des avis de Rome, Martin Moye oriente l’activité de ses baptiseuses vers des tâches d’éducation. En fait, il souhaite surtout faire des Vierges, des catéchistes bénévoles et des enseignantes pour les filles. Dans ce but, il modifie les règlements établis par Martiliat et songe à une institution plus structurée, avec une spiritualité propre. Il s’inspire de la Congrégation de la Providence qu’il a fondée en Lorraine lors de son ministère dans le diocèse de Metz
Mgr Pottier et son coadjuteur Saint-Martin font d'abord opposition au projet d'Institution des Vierges. Ils y voient des inconvénients réels : les Vierges institutrices sont trop jeunes, vivant loin de leurs famille auprès des enfants à instruire, elles sont exposées à divers dangers, ne serait-ce qu'aux calomnies des païens ; dans certains cas, les Vierges dirigent la prière d'assemblées où se trouvent des hommes. Compte tenu de la mentalité locale, ces activités ne peuvent que créer des scandales. Mgr Pottier, conscient de l'importance de l'enjeu, écrit à Rome à ce sujet.
La Propagande donne une réponse décisive dans l'Instruction du 29 avril 1784 : les écoles de filles sous la direction des Vierges sont approuvées. Quelques précisions sont apportées : il n'est pas permis aux Vierges de prêcher ou de faire la lecture dans les assemblées chrétiennes ; elles ne peuvent faire de vœux avant l'âge de 25 ans et ces vœux ne peuvent être que pour trois ans à chaque fois ; leurs parents doivent être en mesure d'assurer leur subsistance ; elles ne doivent pas avoir plus de 30 ans pour prendre en charge l'éducation des filles ; l'enseignement doit se faire dans leur propre demeure familiale ou dans une maison désignée par le prêtre.
Rome soutenait ainsi une entreprise d’avant-garde. L’attention portée à l’éducation des filles et au rôle des femmes dans la société représentait un apport positif des missionnaires. Mais la population chinoise paysanne du XVIIIe siècle tolérait difficilement ces entorses à la tradition locale. Certains aspects du culte chrétien pouvaient d’ailleurs facilement prêter à des incom- préhensions et à des calomnies.
Outre le baptême des bébés mourants, on jugeait scandaleux la confession privée des femmes. Les éducateurs des "orphelines" s’attiraient la vindicte des parents qui voulaient récupérer leur fille éduquée et la marier avantageusement. Ces filles étaient destinées à faire un mariage chrétien si possible.
L’hostilité populaire à la présence des missionnaires étrangers pouvait facilement passer à des actions malveillantes avec l’appui des autorités civiles, car les mandarins ne faisaient que leur devoir en réprimant une religion bannie de l’Empire. Certains magistrats se montraient plutôt bienveillants et mesurés dans l’application des décrets impériaux. La capitale étant bien lointaine des provinces du sud-ouest, ils pouvaient se permettre des interprétations locales. D’autres ne badinaient pas sur l’observance du rituel confucéen, signe de loyalisme envers le pays.
Au XVIIIe siècle, les persécutions sévissent principalement au Sichuan. Mgr Taurin Dufresse et quatre prêtres chinois en sont les principales victimes. Au XIXe siècle, la répression se fait plus violente dans la province du Guizhou où les chrétiens sont souvent assimilés aux sectes subversives, en particulier la secte du Lotus blanc (Bailianjiao), un culte d’affiliation bouddhiste qui rallie les mécontents du régime mandchou.
Au début du XIXe siècle, les chrétiens du Guizhou ne sont que quelques centaines, convertis par des catéchistes et prêtres chinois venus du Sichuan et administrés par l’évêque du Sichuan. Le P. François Pottier visitant cette région en 1756 y rencontre une soixantaine de chrétiens.
Consacré évêque en 1769, il charge le P. Georges Alary (1731-1817) de s’occuper du sud Sichuan et du Guizhou. Dès la fin de l’année, Alary se rend au Guizhou, probablement à Zunyi avec le catéchiste Benoît Sen. C’est ce que semble confirmer une visite ultérieure par le Père Jean-Martin Moye accompagné du même catéchiste qui est bientôt ordonné prêtre. Moye arrive à point au Sichuan le 5 mars 1773, au moment où Alary est rappelé à Paris comme directeur au séminaire des Missions Étrangères. Il y a alors au Guizhou environ trois cents chrétiens répartis en quatre stations.
Arrivés sur les lieux en mai 1774, Martin Moye et son catéchiste sont vite arrêtés, conduits au prétoire de Wuchuan, battus, emprisonnés une dizaine de jours, puis libérés le dimanche de Pentecôte. En 1795, sur les instances du P. Taurin Dufresse, le prêtre chinois Matthias Luo se rend au Guizhou. Ce Père, ordonné dix ans auparavant, est un ancien élève du Collège général au Siam puis à Pondichéry.
Après une première visite personnelle, il envoie à Guiyang les catéchistes Len et Hou. Ceux-ci lui rapportent des nouvelles des quelques 80 chrétiens de la région de Zunyi. Ils ont été initiés à la foi chrétienne par un marchand chrétien nommé Yao-Ta-tchoan. Cet homme va rencontrer à
Longping près de Zunyi l’un des quatre grands convertis qui vont marquer de leur forte personnalité le développement de l’évangélisation dans cette province. Pierre Wu Guosheng (1768-1814), hôtelier à Longping, communique sa foi au Christ à de nombreux hôtes de passage. Le total des néophytes baptisés grâce à lui s’élève à au moins cent-vingt.
Lors de la persécution de 1812, il est arrêté et condamné à la strangulation. De nombreux miracles, disent les chrétiens de la région, se sont produits par son intercession. Les païens eux-mêmes ont recours à sa protection.
Sa tombe a été épargnée pendant la Révolution culturelle de 1966. Les pèlerins qui s'y succèdent
y plantent quantité de petites croix.
Joseph Zhang Dapeng (1754-1815) est également très vénéré par les chrétiens du Guizhou. En quête de droiture et de pureté intérieure, il adhère d'abord à la Religion de l'eau claire (Qingshui jiao), une société de jeûneurs liée à la secte du Lotus Blanc. Il se met ensuite à l'école de maîtres taoïstes et exerce même les fonctions de Daoshi, prêtre taoïste. À l'âge de 40 ans, il s'installe à Guiyang comme associé d'un certain Wang, marchand de soieries.
Le fils de Wang venait d’obtenir le titre de Juren aux examens impériaux. Il avait à cette occasion rencontré dans la capitale des chrétiens qui lui firent connaître l'Évangile. Partenaire des soieries Wang, Zhang Dapeng se plonge dans la lecture du catéchisme et s'intéresse de plus en plus à la doctrine chrétienne. Baptisé par le P. Mathias Luo, il devient un catéchiste de premier rang.
Pendant la persécution de 1812 il se retire jusqu'à Chongqing où il rencontre Mgr Dufresse.
L'évêque, mesurant la force de sa foi, lui conseille de retourner à Guiyang pour diriger et réconforter les fidèles: "Mon fils, lui dit-il, pourquoi fuyez-vous quand vos frères sont en péril ? Vous avez une excellente occasion de servir Dieu. N'avez-vous pas, en vous éloignant, abandonné les devoirs de votre charge ? et ne vous êtes-vous pas nui à vous-même ? Retournez, je vous prie, retournez immédiatement au Kouy-tcheou, vers les fidèles sur lesquels votre fonction de catéchiste vous oblige à veiller".
Joseph se confesse, reçoit la communion et retourne à Guiyang. Errant de cachette en cachette, il fait encore neuf convertis. Le gouverneur met sa tête à prix. En 1815, le frère cadet de son épouse le livre par cupidité, guidant lui-même les satellites. "Il est étranglé le 12 mars, attaché à une potence en forme de T".
Pierre Liu Wenyuan (1760-1834), un maraîcher de Guizhu baptisé à 40 ans, est arrêté en 1814 et condamné à l’exil. Sa joue est tatouée des quatre caractères infâmants Tianzhu xiejiao ‘Religion perverse du Seigneur du Ciel’. Il entreprend une longue marche jusqu’au Heilongjiang à la frontière sibérienne où il devient esclave d’un maître mandchou cruel qui le traite en b??te de somme.
Libéré en 1830, Il est de nouveau arrêté en 1834 alors qu’il portait secours à des prisonniers. Il est étranglé le 17 mai 1834 après plusieurs mois de souffrances en prison.
Joachim Hao Kaizhi (1782-1839), baptisé sur les conseils de Zhang Dapeng, est arrêté lors de la grande persécution de 1814. Il est tatoué du signe "culte pervers catholique" et envoyé en exil au Yili en Asie centrale. Libéré pour ses bons services contre des rebelles musulmans, il peut rentrer à Guiyang. Mais dénoncé par un voisin peu sociable, il est étranglé le 9 juillet 1839. Pierre Wu, Joseph Zhang, Pierre Liu et Joachim Hao peuvent être honorés comme les quatre piliers de base sur lesquels est bâtie l’Église dans la province du Guizhou. Ils ont été béatifiés par Léon XIII le 27 mai 1900 et sont au nombre des canonisés du 1er octobre 2000.
Les chrétiens de France apprennent le témoignage courageux des missionnaires et des chrétiens
de Chine, du Tonkin, de Cochinchine. Les Annales de la Propagation de la foi diffusent ces nouvelles. Les nouvelles recrues des Missions Étrangères ont connu des prêtres "réfractaires" qui ont souffert de la Révolution française. L’esprit romantique d’une mort généreuse anime les partants. Lorsque le 1er septembre 1827, la congrégation de la Propagande demande aux Missions Étrangères de prendre en charge la mission de Corée, plusieurs confrères se déclarent volontaires. Le P. Barthélemy Bruguière (1792-1835), alors de passage à Macao, exprime le désir de se rendre en Corée.
Le 29 juin 1829 il est sacré coadjuteur de Mgr Esprit-Marie Florens (1762-1834) à Bangkok. Mais avec l’accord de son vieil évêque, il offre à Rome ses services pour l’évangélisation de la Corée. En attendant une réponse, Bathélémy Bruguière fait un séjour au séminaire des Missions Étrangères à Pinang. Il y rencontre Jacques Chastan (1803-1839) alors chargé de la paroisse de Pulau Tikus où il apprend le chinois. Lui aussi rêve de partir un jour en Corée.
La Corée est érigée en vicariat apostolique le 9 septembre 1831 et M. Bruguière en est nommé premier vicaire apostolique. Les premiers chrétiens coréens avaient reçu le message chrétien en Chine lors de leurs ambassades à Pékin. Les premiers missionnaires français en Corée doivent à leur tour passer par la Chine. À Macao, Mgr Bruguière est rejoint par le M. Pierre Maubant (1803-1839) du diocèse de Bayeux qui obtient de partir en Corée plutôt que de se rendre à sa destination du Sichuan.
Tous deux traversent la Chine du sud au nord par des voies différentes et se retrouvent au nord de Pékin en Mongolie. Ils passent un an dans la mission de Xiwanzi tenue par les lazaristes.
En octobre 1835, Bruguière tente le passage en Corée mais il est frappé de mort subite avant d’avoir atteint la frontière. Maubant, lui, réussit son entrée clandestine dans le royaume ermite.
Jacques Chastan l’y rejoint en janvier 1837 après un long parcours en Chine et au moins deux ans de service pastoral au Shandong sous l’autorité de l’évêque portugais de Nankin. Ils sont rejoints en décembre 1838 par Mgr Laurent Imbert (1796-1839) qui vient de passer douze ans de sa vie missionnaire au Sichuan. Avec son évêque Mgr Louis Fontana (1781-1838), il s’est préoccupé de la formation des prêtres et a été le premier supérieur du nouveau séminaire de Muping. Ce séminaire de l’Annonciation, belle bâtisse de bois construite à 1750 m d’altitude a récemment été restaurée en tant que Musée Armand David. C’est là que le savant naturaliste lazariste Armand David était hébergé en 1869 quand il identifia le panda, le singe doré et autres particularit??s de la faune locale.
Le martyr des trois premiers missionnaires de Corée le 21 septembre 1839 révèle brutalement la fragilité de la mission coréenne. Pour en assurer l’avenir, il faut une base de formation en Chine même. L’entrée même en Corée exige un temps de préparation et d’attente dans les provinces chinoises de Mandchourie. C’est pourquoi les directeurs des Missions Étrangères demandent à la Propagande de leur confier un territoire dans cette région jusque là confiée aux Lazaristes.
Le 8 novembre 1838, la Propagande crée le vicariat apostolique de Mandchourie et du Liao-dong en faveur des Missions Étrangères. Les Lazaristes pour leur part se voient confier en août 1840 le nouveau vicariat apostolique de Mongolie. Reste à tracer la limite entre ces deux vicariats. Ces territoires sont immenses.
Et pourtant, les deux sociétés missionnaires auront besoin d’une dizaine d’années pour se mettre d’accord, les Lazaristes entendant garder en Mandchourie quelques villages où ils ont développé des chrétientés. C’est un missionnaire du Sichuan qui est nommé vicaire apostolique de la nouvelle mission. Emmanuel Verrolles (1805-1878), prêtre de Caen, a pris en 1837 la succession de Mgr Imbert comme supérieur du séminaire de Muping. Le 12 décembre 1838, il est nommé premier vicaire apostolique de Mandchourie avec le titre d’évêque de Colombie. Il est sacré évêque à mi-chemin de sa nouvelle mission à Taiyuan au Shanxi par le franciscain italien Mgr Salvetti le 8 novembre 1840.
En 1844, il reçoit l’aide précieuse du P. Siméon Berneux (1814-1866) qui vient de faire plusieurs années de prison au Tonkin. Dix ans plus tard il le choisit comme coadjuteur. Mais le vicaire apostolique de Corée Mgr Jean Joseph Ferréol (1808-1853) vient de mourir et doit être remplacé en priorité. Mgr Siméon Berneux va diriger efficacement la mission de Corée une douzaine d’années avant d’être arrêté, torturé et exécuté en 1866. Avec les autres martyrs de Corée, il sera canonisé le 6 juin 1984.
Des développements significatifs vont marquer l’histoire de la mission de Mandchourie. La première préoccupation est de créer un centre de formation pour futurs prêtres et pour des religieuses. Le petit village de Xiaobajiazi "Les 8 familles", formé par des migrants catholiques venus du Shandong, devient un nid de vocations.
Ruiné par les Boxers en 1900, ce village est rebâti avec tous ses instituts de formation par le P. Joseph Cubizolles (1863-1935). Outre les séminaristes, le P. Cubizolles veille sur le noviciat des Vierges chinoises du Saint Cœur de Marie. Sa dévotion à la Vierge Marie a laissé des traces jusqu’à nos jours.
En mars 1907, Mgr Pierre Lalouyer (1850-1923) lui confie la chrétienté de la ville de Jilin (Kirin) et la charge du grand séminaire. Il y construit alors le grand séminaire de 1912 à 1928 et fait aussi aménager une grotte de Notre Dame de Lourdes à l’échelle de l’originale.
Le 22 octobre 1923, Mgr Constantini, délégué apostolique en Chine, bénit la grotte de N.D. de Lourdes. Cette grotte est devenue l’un des pèlerinages mariaux les plus importants de la Chine actuelle. Dans ses vieux jours, il est assisté du P. Charles Lemaire (1900-1995) qui s’attache en particulier à la direction spirituelle d’une nouvelle branche de religieuses désireuses d’observer les 3 vœux. Cette communauté de la Ste Famille, dispersée pendant la Révolution culturelle, reprend vie en 1983 avec dix religieuses âgées et quatre novices. Elles sont aujourd’hui plus d’une centaine de jeunes religieuses.
Charles Lemaire hérite également du P. Cubizoles la charge du grand séminaire avant d’en transmettre la direction aux assomptionnistes. Nommé évêque d’Otrus et coadjuteur de Jilin par Mgr Auguste Gaspais (1884-1952) en 1939, il doit rentrer à Paris en 1946, la Propagande lui ayant demandé d’assurer la fonction de supérieur général des Missions Étrangères après la démission du P. Léon Robert (1866-1956).
En Mandchourie septentrionale, distinguée de la Mandchourie méridionale à partir de 1898, le territoire de la mission au nord de Harbin s’étend au nord jusqu’au Fleuve Amour, le Heilong jiang (Rivière du Dragon noir). Au début du XXe siècle, le P. Henri Roubin (1871-1935) entreprend de fonder une colonie catholique, la Mission Saint Joseph, où il invite les familles catholiques dispersées sur de grandes distances. Cette mission de Haibeizhen devient bientôt le foyer catholique le plus dynamique du lointain Nord-Est de la Chine.
C’est le pays d’origine du futur archevêque de Nankin Mgr Yubin qui deviendra recteur de l’Université Fujen et cardinal à Taiwan Les chrétiens y sont plus de trois mille aujourd’hui. Après la Révolution culturelle de 1966 à 1976, ils ont rebâti leur église et en ont bâti une autre encore plus vaste quelques années plus tard.
En juillet 1900, la capitale de la Mandchourie méridionale, Shenyang (Moukden) est la scène d’un drame horrible. Les Boxers qui ravagent la région s’en prennent à l’évêque Mgr Laurent Guillon (1854-1900) qui s’est réfugié dans la Cathédrale avec ses prêtres, des religieuses et un groupe de fidèles. Tous sont massacrés par les Boxers et la cathédrale est incendiée.
La cathédrale a été rebâtie plus grande et plus belle par le P. Paul Lamasse (1869-1952), un alsacien dou?? en bien des domaines, auteur d’un ouvrage d’initiation à la langue chinoise, architecte, musicien, pianiste et même cinéaste. Il acclimate la vigne en Mandchourie, fait venir des chèvres de Suisse et fabrique du fromage.
En 1935, il est nommé directeur de l’imprimerie de la mission. Son évêque Jean-Marie Blois (1881-1946) réside dans un évêché doté d’un grand escalier dans une tour octogonale. Les confrères français ne tardent pas à appeler le palais épiscopal "le château de Blois". Cet évêque encourage le développement d’une congrégation de religieuses chinoises. Les Soeurs du Saint Cœur de Marie, dispersées pendant la Révolution culturelle, comptent en 2006 une centaine de jeunes religieuses.
L’incident de Moukden le 18 septembre 1931, marque le début de l’invasion japonaise en Chine. Les Japonais provoquent une explosion sur la ligne de chemin de fer Sud Mandchourie et en font porter la faute aux soldats chinois. Sous prétexte d’auto-défense, ils occupent en quelques jours Moukden, Changchun et Jilin. Ils veulent en fait s’assurer l’usage des ressources économiques de la Mandchourie. Pour donner une légitimation chinoise à leur agression, les Japonais créent le 9 mars 1932 l’état fantoche du Mandchoukouo sous l’autorité du dernier empereur de Chine Puyi. Après enquête, la Société des Nations refuse de reconnaître la légalité de ce nouvel État. Les missions catholiques pour leur part se trouvent coupées du nouveau délégué apostolique Mgr Marius Zanin nommé par Rome en 1934 auprès du Président Lin Sen à Nankin, capitale de la Chine nationaliste.
Les Japonais restaurent alors le rituel confucéen comme act e de loyalisme civique. Les élèves des écoles doivent le pratiquer régulièrement en hommage à l’Empereur sous peine de fermeture de l’école. Or l’interdit des rites confucéens est toujours en vigueur chez les catholiques. Comment traiter ce problème face aux autorités japonaises intraitables?
Mgr Gaspais demande à Rome l’envoi d’un délégué apostolique. Mais Rome ne peut reconnaître un état illégitime. Finalement la Propagande, et non la secrétairerie d’État, nomme Mgr Gaspais délégué du Saint-Siège pour représenter les missions catholiques auprès du gouvernement du Mandchoukuo. Mgr Gaspais parvient à obtenir d’un général japonais l’assurance que le rituel confucéen est purement d’intér??t politique et sans caractère religieux. En 1935, le fameux interdit des rites confucéens est enfin levé. Il est évidemment regrettable que cette levée d’un interdit deux fois séculaire se fasse au profit de l’impérialisme japonais. Plus regrettable encore est la comédie à laquelle se livrent les Japonais en attribuant à Mgr Gaspais le rang de nonce apostolique que Rome ne lui a jamais conféré. Il n’y a pas de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le gouvernement du Mandchoukouo, mais seulement une représentation limitée aux institutions catholiques du pays. Il est vrai que cette subtilité romaine convient aux ambitions japonaises et que le Saint-Siège à l’époque craint par-dessus tout les progrès du communisme.
Les missionnaires, quant à eux restent proches de la population chinoise dont ils partagent les souffrances. Ainsi en témoigne Mgr Charles Lemaire dans un article écrit à Hongkong à la demande du jésuite La Dany, directeur de la revue China News Analysis.
La relation des missionnaires aux autorités politiques est en fait un problème de fond qui affecte leur message évangélique et leur existence même. Avant la Guerre de l’Opium en 1840, ils se trouvent la plupart du temps hors la loi car le christianisme est interdit par les empereurs comme culte pervers.
Les missionnaires qui parviennent à pénétrer en Chine le font dans la clandestinité, dans des provinces lointaines de la capitale, quelquefois dans des minorités ethniques, quelquefois sous la protection de bandits qui contrôlent la région et auxquels ils doivent faire allégeance en arrivant en Chine. Lorsqu’ils sont arrêtés par le mandarin officiel, ils sont en danger de mort. Mgr Dufresse est décapité à Chengdu en 1815.
En 1856, l’exécution cruelle du P. Auguste Chapdelaine (1814-1856) dans la province du Guangxi prend une nouvelle tournure politique aujourd’hui montée en épingle par le gouvernement communiste comme cas typique de collusion entre l’Église et l’impérialisme étranger.
En 1842, le plénipotentiaire français M. de Lagrené a obtenu du gouvernement chinois des concessions favorables à l’activité missionnaire dans les grandes villes. Mais le P. Chapdelaine, destiné à la mission du Guangxi, se fait un devoir de se rendre auprès de villageois convertis par un catéchiste intrépide de race miao. Il célèbre les fêtes de la Nativité et de Pâques avec quelques centaines de chrétiens.
Arrêté une première fois, il est relâché par un mandarin compréhensif. Mais sa deuxième tentative le mène au tribunal du mandarin impitoyable de Silin qui le fait enfermer dans une cage
étroite puis décapiter. Son corps est jeté aux chiens. Sa catéchiste et deux autres compagnons sont aussi exécutés. En 1856, la France coloniale en pleine expansion s’indigne de ce destin cruel. Le consul de France à Canton et l’évêque Mgr Philippe Guillemin (1814-1886) rendent compte de cette affaire à Napoléon III.
Celui-ci profite de l’indignation publique pour légitimer l’intervention armée qu’il souhaite côte à côte avec les troupes anglaises déjà engagées dans une deuxième "Guerre de l’opium". Le Traité de Tianjin impose une lourde amende au gouvernement chinois. Deux ans plus tard en 1860, les troupes franco-anglaises pillent et incendient le Yuanmingyuan, palais d’été de l’Empereur. La Convention de Pékin renforce le protectorat français sur les missions. Lazaristes, Missions Étrangères et autres instituts missionnaires en profitent pour développer leurs œuvres dans tout le pays.
Leurs chrétiens bénéficient de privilèges. En cas de délit, ils peuvent avoir recours aux tribunaux français plutôt que d’être condamnés sévèrement par les tribunaux chinois. Ces mesures renforcent l’hostilité de la population contre les étrangers et les chrétiens.
Le 18 février 1862, Jean-Pierre Néel (1832-1862) missionnaire au Guizhou, est arrêté, attaché par la natte à la queue d’un cheval et traîné devant le magistrat de Kaiyang Dai Luzhi. Il tente de sortir son passeport. Le mandarin lui déclare : "connu, connu, ce passeport t'a été délivré par ton gouvernement et non par le nôtre. Il ne fait pas foi pour nous".
Le missionnaire français est décapité avec ses catéchistes et la vierge Lucie Yi. Le consulat français exige des réparations et le châtiment du mandarin coupable. Le yamen (tribunal) de Guiyang, capitale de la province, est détruit pour céder plus tard la place à une église des martyrs béatifiés par Pie X le 2 mai 1909.
Ces vexations humiliantes s’incrustent dans la mémoire chinoise. La guerre franco-chinoise de 1883 augmente encore le ressentiment de la population. Le P. Mathieu Bertholet (1865-1898) est massacré dans la province du Guangxi.
Les chrétiens par contre sont confortés dans leur foi.
L’année même du martyr de Jean-Pierre Néel , Mgr Louis Faurie (1824-1871) , vicaire apostolique du Guizhou depuis le 2 septembre 1860, érige une statue de la Vierge au sommet de la montagne de Guanyin qui devient Shengmu shan, montagne de la Sainte Mère. Un grand pèlerinage à Notre-Dame de Liesse prend ainsi naissance avec un temps fort chaque année autour du 8 septembre, fête de la nativité de Marie.
En mai 1895, des émeutes anti-chrétiennes éclatent au Sichuan. Les destructions d’écoles, églises et orphelinats sont considérables. Mgr Marie-Julien Dunand (1841-1915) doit faire appel à la menace d’une canonnière française.
Le consul de France à Pékin, M. Auguste Gérard (1852-1922), obtient pour la mission de Chengdu des dédommagements importants, la punition des coupables et la révocation du vice-roi Liu Bingcheng.
En 1846, la Congrégation de la Propagande demande au supérieur des Missions Étrangères le P. Charles Langlois (1767-1851) de prendre en charge une nouvelle mission au Tibet. Est-ce à la suite du parcours étonnant réalisé par les deux lazaristes Huc et Gabet jusqu’à la capitale tibétaine de Lhassa où ils purent rester un mois en février 1846. Toujours est-il que les Missions Étrangères disposent alors d’hommes intrépides prêts aux missions les plus impossibles comme ils l’ont montré en Corée.
Le Tibet devient vite la destination rêvée, d’autant plus fascinante qu’elle est interdite. Les lamas, adeptes du bouddhisme tantrique, y sont tout-puissants. Ils sont les maîtres de la terre et la population vit en servage. La tentative des Pères Nicolas Krick (1819-1854) et Augustin Bourry (1826-1854) d’y parvenir par l’Inde se termine par leur mise à mort dès leur arrivée le 1er septembre 1854.
En mai 1895, des émeutes anti-chrétiennes éclatent au Sichuan. Les destructions d’écoles, églises et orphelinats sont considérables. Mgr Marie-Julien Dunand (1841-1915) doit faire appel à la menace d’une canonnière française. Le consul de France à Pékin, M. Auguste Gérard (1852-1922), obtient pour la mission de Chengdu des dédommagements importants, la punition des coupables et la révocation du vice-roi Liu Bingcheng.
En 1846, la Congrégation de la Propagande demande au supérieur des Missions Étrangères le P. Charles Langlois (1767-1851) de prendre en charge une nouvelle mission au Tibet. Est-ce à la suite du parcours étonnant réalisé par les deux lazaristes Huc et Gabet jusqu’à la capitale tibétaine de Lhassa où ils purent rester un mois en février 1846. Toujours est-il que les Missions Étrangères disposent alors d’hommes intrépides prêts aux missions les plus impossibles comme ils l’ont montré en Corée.
Le Tibet devient vite la destination rêvée, d’autant plus fascinante qu’elle est interdite. Les lamas, adeptes du bouddhisme tantrique, y sont tout-puissants. Ils sont les maîtres de la terre et la population vit en servage. La tentative des Pères Nicolas Krick (1819-1854) et Augustin Bourry (1826-1854) d’y parvenir par l’Inde se termine par leur mise à mort dès leur arrivée le 1er septembre 1854.
Jules Dubernard (1840-1906) rejoint le poste de Kiangka en 1865. En 1866, Mgr Chauveau lui confie le poste de Tse-kou (Cekou) au nord de la province du Yunnan. Il y demeure 40 ans et réalise des prouesses physiques et spirituelles. Les lamas le font massacrer le 26 juillet 1905. Les chrétiens lui bâtissent une tombe près de l’église de Cekou. On peut l’y voir aujourd’hui. La communauté catholique est fervente.
L’apport des missionnaires à la société chinoise et à la connaissance de la Chine Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les missionnaires partagent l’intérêt de leur époque pour la science et le progrès. Étant implantés dans des campagnes reculées, dépourvues de ressources, ils se préoccupent de la vie locale, ouvrent des écoles et des dispensaires. Ils bâtissent des ponts, établissent des cartes géographiques, introduisent des cultures.
Le P. Paul Farges (1844-1912), envoyé au Sichuan oriental, est placé en 1871 dans le district de Chenkou où il reste 29 ans. Il acclimate dans le pays différentes espèces de pommes de terre, le topinambour et le seigle.
Il collecte quantité d’espèces de plantes encore inconnues en Europe. Il en envoie des milliers au muséum et utilise les rétributions qui lui sont offertes pour améliorer la vie misérable des paysans locaux. Ses investigations seront poursuivies par le P. Jean-Marie Delavay (1834-1895) dans la province du Yunnan.
Au Tibet, Mgr Félix Biet (1838-1901) , successeur de Mgr Chauveau, participe à de nombreuses recherches sur la faune et la flore tibétaines en lien avec des spécialistes de Paris. Suivant une expression de Pierre Fournier, il fait de la mission un "organisme de recherches scientifiques".
Le P. Jean Soulié (1858-1905), tout en rendant à la population tibétaine de multiples services, en particulier médicaux, devient en même temps un botaniste renommé dans les milieux savants parisiens. En dix ans, il envoie plus de 7000 plantes au muséum. Il est fusillé à Yaregong le 14 avril 1905 sur ordre des lamas tibétains.
Ces missionnaires recueillent aussi des documents de première main dans les domaines linguistiques et ethnographiques. Le P. Paul Vial (1855-1917) partage la vie des ethnies sani etlolo (yizu) dans la province de Yunnan. Il apprend leur langue et fait imprimer à Hongkong en 1909 le premier dictionnaire de la langue lolo. Il anime en même temps des chrétientés florissantes à Lu Mei. Il a la joie de voir parvenir au sacerdoce un premier prêtre lolo.
Au Guizhou, le P. Paul Perny (1818-1907) publie en 1859 une étude de la Province de Kouy-tchéou riche en informations précises sur les coutumes, l’administration et les productions de cette province. L’appendice à son grand "Dictionnaire français-latin-chinois" publié en 1872 comporte une nomenclature aussi complète que possible des plantes, des animaux et des minéraux de la Chine.
En Mandchourie, Lucien Gibert (1888-1968), adjoint du P. Cubizolles à Jilin puis chef de district à Changchun, publie en 1934 à l’imprimerie de Nazareth un ouvrage considérable de 1040 pages : le Dictionnaire historique. et géographique de la Mandchourie", illustré de gravures et cartes.
L’entreprise de la mission en Asie et plus particulièrement en Chine demande un financement substantiel et régulier. Les bases d’un soutien financier sont établies dès l’origine. La Congrégation de la Propagande choisit ses vicaires apostoliques en France, sachant qu’ils ont des possibilités de financement.
Lambert de la Motte ne craint pas de mettre en jeu sa fortune personnelle. François Pallu obtient de sa cousine Mme de Miramion le château de la Couharde pour y loger sa première équipe de
missionnaires. Les soutiens financiers de la noblesse française permettent même d’équiper un navire le "Saint-Louis" qui échoue malheureusement à son départ de Rotterdam.
En Asie, le procureur s’installe d’abord à Macao où il joue souvent un rôle de supérieur décidant des destinations de missionnaires envoyés en Chine. Pendant la période coloniale, le P. Napoléon Libois (1805-1872) joue un rôle clé. Il s’installe d’abord à Macao en 1842. Ayant invité des missionnaires à servir d’interprètes auprès de la marine française, il reçoit de l’amiral Rigault de Genouilly un "fruit de la conquête" : une cloche de temple bouddhiste provenant
d’un temple de Canton. Cette cloche orne encore le jardin de Missions Étrangères à Paris, témoin silencieux des abus coloniaux.
En 1847, le P. Libois s’occupe de transférer la procure à Hongkong où l’administration libérale anglaise est sans doute plus accueillante et prometteuse que le contrôle portugais. En 1864, il installe le P. Pierre Cazenave (1834-1912) comme premier procureur à Shanghai pour répondre à une demande pressante de nombreux missionnaires de Chine. Outre son accès plus facile, la procure de Shanghai va devenir source de financement grâce aux possibilités
offertes dans la concession française.
L'église catholique de Cizhong, près de la rivière de Lancang (partie du Mékong) à Cizhong, dans la Province du Yunnan, Chine. Elle a été construite par un missionnaire français au milieu du dix-neuvième siècle, mais a été brûlée pendant le mouvement anti-étranger en 1905, et reconstruite dans les années 1920. Les membres de l'église sont principalement des Tibétains. La région étant ethniquement diverse, il y a aussi six autres groupes ethniques, les Han, Naxi, Lisu, Yi, Bai et Hui
Le P. Robert, nommé procureur à Shanghai en 1891, travaille au développement de la ville. Il est membre du conseil municipal de 1898 à 1904. Il y acquiert une telle notoriété qu’une rue de la
concession française portera son nom.
Parmi les missionnaires de passage à cette procure de Shanghai, citons le P. Adolphe Roulland (1870-1934) qui s’y trouve en 1897. C’est de là qu’il écrit à sa sœur spirituelle Thérèse de Lisieux ses premières impressions de Chine.
Appelé à Hongkong comme économe général en 1903, le P. Léon Robert y bâtit une grande procure devenue aujourd’hui palais de justice. Il devient supérieur général des Missions Étrangères à la mort de Mgr Jean-Baptiste Budes de Guébriant (1860-1935) le 6 mars 1935.
Les années qui suivent les désastres causés par les Boxers ne vont pas sans des difficultés de tout genre dues au banditisme, aux maladies, aux troubles locaux, aux inondations, etc. Pourtant les constructions d’écoles, d’orphelinats, d’hôpitaux, d’églises se multiplient. Le séminaire de l’Annonciation à Ho-pa-tchang (Hebachang) au nord de Chengdu est achevé en 1908 après treize ans de travaux et devient séminaire régional. Les missionnaires plus nombreux s’aventurent dans des régions plus reculées occupées par des ethnies peu accessibles.
Jean Budes de Guébriant fait des incursions au Kientchang dans des vallées encaissées qui mènent du Sichuan vers le Yunnan. En 1907, il explore le pays lolo (yizu). En 1910, le Kientchang est érigé en mission distincte, et le Père de Guébriant en est nommé le premier vicaire apostolique. Il est sacré le 29 novembre 1910 à Suifu (Yibin) et installe son évêché à Ningyuan (Xichang). Nommé vicaire apostolique de Canton il doit quitter Ningyuan le 8 janvier 1917. À Canton, en à peine quatre ans, il travaille à diviser de son immense vicariat. Il détache la mission de Pakhoi en 1921. Surtout, il confie d’autres parties de son diocèse à de nouveaux instituts missionnaires qui souhaitent ouvrir une mission en Chine. La région de Shiuchow (Shaozhou) au nord de Canton est confiée aux salésiens. Le grand centre de Kong-moon (Jiangmen) à l’ouest de Canton est transféré aux missionnaires américains de Maryknoll.
Les pères de Maryknoll vont hériter plus tard d’autres territoires des Missions Étrangères : Kiating (Meixian) dans la province de Canton, Wuzhou et Guilin au Guangxi, Fushun en Mandchourie. Le 22 juillet 1919, le pape Benoît XV charge Mgr de Guébriant de la visite apostolique de tous les vicariats de Chine. Il prend alors contact avec le Père Vincent Lebbe qui le presse de promouvoir l’accès de prêtres chinois à l’épiscopat. Lui-même ne souhaite pas précipiter les choses pour des raisons pratiques : l’administration des diocèses est lourdement financée de l’étranger et un évêque européen a plus de poids auprès des autorités locales. Il défend pourtant la cause de la formation du clergé chinois. Son enquête prépare ainsi le concile de Shanghai qui prend place en 1924 après la nomination du délégué apostolique Mgr Celso Costantini le 12 août 1922.
Le 21 mars 1921, à l'Assemblée générale de la Société à Hongkong, Mgr de Guébriant est élu supérieur général de la Société des Missions Étrangères de Paris. Arrivé à Paris en octobre 1921, il a l’occasion de coopérer avec le P. Vincent Lebbe pour fonder en 1925 le Foyer des étudiants d’Extrême-Orient devenu en 1975 Centre France-Asie.
En 1926, il a la joie d’accueillir à Paris les six premiers évêques chinois consacrés à Rome par le pape Pie XI le 18 octobre 1926. Sa visite des missions de Chine en 1931 correspond sans doute à la phase de la plus grande expansion des Missions Étrangères de Paris en Chine avec la charge d’une quinzaine de vicariats apostoliques. Mais la vague missionnaire inonde par trop les prêtres chinois encore trop peu nombreux et souvent considéré comme clergé de seconde classe.
Or le nationalisme chinois s’affirme avec force. Le Parti communiste chinois fondé à Shanghai en 1921 commence à prendre son essor dans des soviets paysans. Certaines missions de la province de Canton sont ruinées par le révolutionnaire Pengbai qui crée un premier soviet à Haifeng. Les catholiques teochew fuient vers Saïgon, Bangkok et Singapour. Les missionnaires français, bien que solidaires des souffrances de leurs fidèles chinois, sont peu portés à s’engager politiquement. En tant qu’étrangers, ils n’ont d’ailleurs pas cette responsabilité. Un certain nombre manifestent leur attachement à la culture chinoise en bâtissant des églises dans le style pays. C’est d’ailleurs ce que conseille le délégué apostolique dans son petit livre L’Art catholique en Chine.Les plus remarquables de ces églises se trouvent à Guiyang, à Xichang, à Yibin, à Luzhou… À partir de 1937, l’invasion japonaise et la guerre de résistance crée des urgences humanitaires. Les missionnaires offrent leurs services aux réfugiés et aux blessés, quelle que soit leur appartenance politique. Quelques églises souffrent des bombardements japonais. Les Pères Henri Sonnefraud (1891-1940) et Robert Castiau (1912-1940) sont mis à mort par les Japonais dans l’île de Weizhou tout au sud de la Chine le 29 juin 1940.
Après la capitulation du Japon en août 1945, la Chine est à nouveau ouverte aux échanges. En décembre 1945, les candidats missionnaires s’entassent au nombre de 169 dans la maison de Paris. En décembre 1946, Mgr Lemaire célèbre une ordination massive de missionnaires dans l’église Saint Ignace. Les partants doivent encore attendre qu’un bateau puisse les acheminer vers leur destination.
Nombre d’entre eux sont destinés aux missions de Chine : Chengdu, Chongqing, Kunming, Guangzhou, Nanning, Shenyang…
Ils découvrent une Chine éprouvée par la guerre, mais prête à un nouveau départ en ce qui concerne la vie de l’Église : la hiérarchie est établie avec 20 régions ecclésiastiques. Tous les vicariats apostoliques deviennent diocèses à part entière. Mais la plupart des évêques sont encore des étrangers. Les Missions Étrangères ont la charge de 14 missions. Seuls les diocèses de Ya’an, Nanchong et Wanxian sont confiés à des évêques chinois. Les nouveaux arrivés se mettent courageusement à l’étude de la langue, mais ils se trouvent vite pris dans la guerre civile qui oppose les troupes nationalistes aux forces communistes. En Mandchourie en particulier les missionnaires peuvent voir passer tour à tour les troupes bien équipées du Guomindang et les forces de l’Armée rouge plus démunies mais aguerries et auréolées de leurs succès contre les agresseurs japonais. C’est bientôt la débâcle.
À Moukden (Shenyang), Mgr André Vérineux (1897-1983), à peine devenu évêque du nouveau diocèse de Yingkou, va trouver refuge pour ses missionnaires dans l'île de Taiwan. Le père François Boschet (1899-1975) fait un parcours extraordinaire à travers la Chine avec 80 religieuses qu’il doit loger et nourrir pendant des mois avant de pouvoir les placer à Taichung.
Le 1er octobre 1949 Mao Zedong proclame la République populaire de Chine sur la place Tiananmen. Officiellement, c’est la "libération" des deux grands fléaux identifiés du point de vue marxiste comme l’impérialisme et le féodalisme. Tous les missionnaires étrangers sont censés être des suppôts de l’impérialisme. Ils vont donc être arrêtés, jugés, maltraités et finalement expulsés de Chine dans les deux ou trois premières années du nouveau régime. Les confrères des Missions Étrangères sont environ 250. À l’arrivée des libérateurs communistes dans leur région, certains partagent l’enthousiasme populaire et admirent la discipline de l’Armée Rouge ainsi que le nettoyage efficace des vices locaux.
Dans les marches tibétaines, le P. Ferdinand Pecoraro (1921-2002) fait une expédition en haute montagne pour ramener du fourrage à un peloton de l’Armée Rouge. On lui annonce qu’il va recevoir une médaille de "travailleur modèle". Mais la médaille lui échappe lorsqu’on découvre qu’il est un "long nez". Car le contrôle des étrangers devient de plus en plus serré. Malheur à ceux qui ont chez eux un poste radio ou un fusil de chasse. Les missionnaires sont peu à peu isolés, aux arrêts de rigueur. La population est invitée à dénoncer leurs agissements, à les haïr et à les insulter. Le lancement de la réforme agraire et la dénonciation des propriétaires terriens fournissent des accusations à charge contre eux. Les missionnaires qui font travailler des terres pour soutenir les dépenses de l’église doivent rembourser leur dette envers le peuple qu’ils ont exploité. Bientôt sans argent du tout, les missionnaires doivent vendre tout ce qui leur reste, y compris leur église. Puis ils sont déportés après quelques semaines ou quelques mois d’attente dans des prisons insalubres où ils sont affamés. Certains passent en jugement populaire. Tout le monde doit les maudire, même leurs plus fidèles. Quelques-uns arrivent pourtant à leur laisser en douce une parole ou un t??moignage d’amitié.
Brinquebalés dans des camions surchargés ils sont acheminés vers Hongkong. Ils traversent à pied le pont de Luowu, fantômes chancelants vêtus de hardes dégoûtantes. Mais c’est leur libération…
Le père Paul Destombes (1901-1974), vicaire général de la Société des Missions Étrangères est dépêché à Hongkong pour accueillir les confrères à leur sortie de Chine et discuter avec eux d’une nouvelle destination après un temps de repos. Beaucoup sont placés dans des missions où ils peuvent faire usage de la langue chinoise comme en Malaisie, à Singapour, au Vietnam, en Thailande, d’autres dans des pays de culture voisine où ils doivent apprendre aussi une nouvelle langue comme au Japon et en Corée.
La nouvelle mission de Hwalien, sur la côte est de Taiwan est fondée par Mgr Vérineux accompagné de confrères de Mandchourie, en particulier les Pères François Boschet et Pierre Pecquels (1904-1977). Ils sont rejoints par les P. Marcel Rondeau (1899-1970), Joseph Le Corre (1908-1980), Michel Saldubéhère (1919-...) de Swatow, Antoine Duris (1909-1995) du Guizhou, Raoul Mauger (1911-1989) du Tibet. Le groupe sera renforcé aussi par des confrères de Birmanie et de jeunes missionnaires destinés spécifiquement à Hwalien.
La croissance rapide de cette nouvelle "région" confiée à la Société des Missions Étrangères s’explique par ses succès apostoliques auprès des ethnies aborigènes, Amitsu, Taroco, Bunun et autres. On parle alors du "miracle de Taiwan". De nombreuses églises "style Vérineux" sont construites en béton, capables de résister aux typhons et tremblements de terre.
Mais les belles communautés aborigènes commencent à se disloquer dans les années 1970, car les jeunes foyers partent travailler dans les nouvelles zones industrielles de Taipei ou Kaoshiung.
Les Pères Gérard Cuerq (1937-1964), Maurice Poinsot (1932-...), Jean-Marie Redoutey (1939-...), Christophe Kelbert (1957-...) quittent Hualien pour aller se mettre à leur service, tenter de les recenser et de les organiser pour qu’ils poursuivent une vie chrétienne dans leur langue tout en s’intégrant peu à peu aux paroisses de ville. À Hualien, les prêtres des Missions Étrangères ont réalisé une grande œuvre d’inculturation en cultivant les langues et coutumes aborigènes. Les chants et danses traditionnels ont été encouragés à l’occasion des fêtes chrétiennes, puis en relation avec l’industrie locale du tourisme. Prenant davantage conscience de l’identité culturelle de l’île dans les années 2000, le gouvernement de Taiwan reconnaît officiellement l’apport des missionnaires français. Le 6 novembre 2001 à Paris, un prix spécial du ministère taiwanais de la culture est décerné aux missionnaires de la Société de Hualien dans la grande salle de l’Institut de France.
Hongkong n’était pas une mission confiée aux Missions Étrangères. Mais la Société y était bien présente depuis une centaine d’années grâce à sa procure, à l’imprimerie de Nazareth et à la maison de repos de Béthanie. Ces deux dernières maisons de grande allure étaient nichées à mi-pente à l’ouest de l’île, au pied du réservoir de Pokfulam. Le sanatorium de Béthanie a vu mourir de nombreux confrères de Chine.
Ils sont enterrés dans un petit cimetière marin, face à l’immensité de l’océan. Les ouvriers catholiques de l’imprimerie formaient le village catholique de Taikoulao avec leur église N.D. de Lourdes. En 1952, les supérieurs de la Société ferment l’imprimerie de Nazareth, pensant peut-être qu’elle ne serait plus rentable après la fermeture de missions de Chine. Ce retrait brutal surprend nombre d’instituts missionnaires à Hong-kong et laisse consternés les responsables de l’imprimerie. Ce n’est pourtant pas débâcle complète. Deux confrères expulsés de Chine entreprennent à Hongkong un ministère paroissial. Le Père René Chevalier (1886-1981), de Canton et le Père Joseph Madéore (1901-1981) du Guangxi prennent du service dans le diocèse de Hongkong. L’un devient le pasteur de l’église N.D. de Lourdes, l’autre fonde l’église N.D. du Rosaire, à Kennedy Town.
Le P. Gabriel Lajeune (1926-...), après un temps de service au Vietnam, s’engage aussi active ment à Hongkong où il bâtit la nouvelle église de Chaiwan à l’Est de l’île. Au cours des années 1960, les confrères résidant à Béthanie développent diverses formes d’apostolat : information sur l’évolution en Chine (Pères Léon Trivière (1915-1998) et François Dufay (1916-2004), presse enfantine : P.René Sylvestre (1916-2008), aumônerie francophone : P. Eugène Chagny (1909-2001)... Dans les dernières années 1970, le P. Pierre Jeanne (1945-...), destiné à Hong-kong, s’intéresse de près aux nouvelles perspectives de relations avec la Chine continentale. Il assiste le P. John Tong pour l’ouverture de Centre d’études du Saint Esprit à Aberdeen. Depuis les dernières années 1980, de jeunes missionnaires sont envoyés à Hongkong où ils apprennent le cantonais et se mettent au service de la pastorale locale. Ils participent activement à des missions discrètes sur le continent chinois. Le retour de Hongkong sous souveraineté chinoise le 1er juillet 1997 les encourage à se mettre à l’étude du mandarin. Le service Chine créé à l’Assemblée des Missions Étrangères de 1980 exerce son activité avec Hongkong pour base principale. En 2006, le P. Bruno Lepeu (1966-...), missionnaire à Hongkong, prend la direction de ce service dont la préoccupation majeure est d'apporter son soutien à la formation des jeunes prêtres sur le continent.
La diaspora chinoise dans le monde bénéficie de la fermeture du continent. Plus de deux cents prêtres chinois incapables de rentrer dans leur pays sont placés partout dans le monde, là où ils peuvent exercer un ministère dans leur langue. Mgr Carlo Van Melkebecke C.I.C.M., évêque de Ningxia, est nommé visiteur apostolique des Chinois d’Outre-mer. Il s’installe à Singapour d’où il veille aux besoins des communautés chinoises catholiques dans le monde. La moitié des Chinois d’Outre-mer vivent en Asie du Sud-Est. Les prêtres de Chine postés à Singapour, en Malaisie, en Indonésie, aux Philippines, au Vietnam, etc, renforcent et développent les communautés catholiques chinoises. Grâce aux nouvelles ouvertures de Vatican II, ils s’initient à l’usage du chinois en liturgie, aux lectures bibliques, au catéchuménat.
Les prêtres des Missions Étrangères expulsés de Chine ainsi que les jeunes missionnaires nouvellement arrivés de France collaborent avec eux et les impliquent dans les divers mouvements de formation des laïcs tels que la J.EC., J.O.C, le CFSM (Christian Family and Social Movement). Les initiatives pastorales en langue anglaise sont reprises en chinois grâce aux prêtres chinois naturellement plus habiles à manier leur langue, même si l’apprentissage des langues chinoises parlées dans le sud leur est parfois difficile. La population des migrants chinois est bien plus ouverte qu’en Chine à l’accueil de l’Évangile. Le Père Pierre Abrial (1922-1990) a baptisé 16 personnes en 4 ans dans son diocèse de Wanxian au Sichuan. À Singapour, il en baptise plus de trois mille et bâtit trois églises. De nombreux jeunes en fin d’études secondaires se font instruire de la foi chrétienne qui leur paraît sensée, morale et moins superstitieuse que leurs traditions ‘bouddhistes’ dont ils ignorent souvent le sens profond. Et pourtant les religions locales sont également dynamiques et prospères. Les anciens de Chine se rendent aussi dans des communautés chinoises ailleurs qu’en Asie du Sud-Est. Quelques-uns d’entre eux travaillent d’abord quelque temps au Vietnam, en particulier chez les Chinois de la paroisse Saint François-Xavier à Cholon. Ils font ensuite une percée vers l’Océan indien. Le père Cotto (1908-1988) ouvre à Madagascar l’École franco-chinoise de Tamatave. Il est bientôt rejoint par les Pères Aimé Pinsel (1920-...) et Thomas Élhorga (1919-2001). Le père Paul Richard (1919-2006), ancien du Tibet, développe à Saïgon l’école sino-vietnamo-française de Ste Thérèse. Mgr René Boisguérin (1901-1998), évêque de Suifu (Yibin) expulsé de Chine le 24 mars 1952, se rend en Angleterre où le cardinal Griffin lui confie la charge de la communauté chinoise. Il exerce ce ministère pendant trente ans, principalement à Liverpool. À Paris, le Père Jean Marie Renou (1903-1977) rentré de son diocèse chinois de Suifu (Yibin) en 1936 pour cause de maladie, devient l’animateur efficace du Foyer des étudiants d’Extrême Orient de 1950 à 1977. Il soutient les études de nombreux étudiants de Taiwan. Son successeur le Père Élhorga donne une nouvelle dimension au foyer en accueillant les réfugiés d’Asie du Sud-est qui affluent en France après 1975. Le foyer prend le nom de Centre France-Asie. Expert en cantonnais, le père apporte son aide efficace au Père Cosmas Chang qui est en charge de la mission catholique chinoise de Paris.
Tandis que de nombreux confrères gardent un souvenir pénible de leur expérience des prisons de Chine et n’accordent aucun crédit au régime de République populaire, le Père Léon Trivière reste pour sa part d’un optimisme indéfectible. Il dévore toute la presse concernant la Chine, écrit de nombreuses recensions, publie des articles dans la revue Esope, dans les Études et dans les Dossiers Échange France-Asie lancés par les Missions Étrangères. En 1974, il amorce une reprise de contact plus directe avec la "Chine nouvelle". Il associe à son entreprise le P. Jean Charbonnier (1932-...), rappelé à Paris en 1970 après 10 ans de ministère pastoral à Singapour. Tout en enseignant au séminaire inter instituts missionnaires, Jean Charbonnier profite de son séjour à Paris pour approfondir ses études chinoises. Avec Léon Trivière, il participe en 1974 aux rencontres œcuméniques organisées conjointement par le Centre catholique Pro Mundi Vita et la Section d’étude du marxisme de la Fédération mondiale des églises luthériennes.
Le colloque de Louvain en septembre 1974 cherche à tirer les leçons de l’expérience de la Chine nouvelle et à reprendre contact avec les chrétiens de Chine. Une église a été ouverte à Pékin à la suite de l’entrée aux Nations-Unies de la République populaire de Chine en octobre 1971. Une trentaine d’étrangers peuvent y assister à la messe le dimanche. À partir du 15 août 1978, les catholiques chinois de Pékin peuvent à nouveau remplir leur église. La politique de Front Uni pour la modernisation lancée par Deng Xiaoping redonne un statut officiel aux religions. Prêtres et religieuses sortent de l’ombre. Il devient possible de faire des visites en Chine. L’Assemblée générale des Missions Étrangères, en 1980, crée un Service Chine envue de reprendre les échanges avec les catholiques de Chine.
Nommé responsable du Service, Jean Charbonnier, de retour en mission à Singapour, forme en 1981 le groupe Zhonglian (China Catholic Communication) avec des étudiants d’université formés dans les écoles chinoises. Il entreprend de nombreuses visites en Chine en passant chaque fois par Hongkong. C’est à Hongkong que les responsables des "Services Chine" de divers instituts missionnaires se rencontrent une fois par an. En mai 1986, l’équipe Zhonglian de Singapour publie un premier Guide to the Catholic Church in China en anglais et en chinois sur deux colonnes parallèles.
Ce guide permet aux visiteurs de tout pays de trouver facilement le chemin des églises en Chine et de prendre contact avec le clergé local. Un magazine illustré en chinois est également publié tous les deux mois pour faire connaître en Chine la vie de l’Église post conciliaire dans le monde et les interventions du pape. À Paris, le P. Paul Richard libéré de son service auprès des réfugiés d’Indochine, s’associe acti- vement au Service Chine. En juin 1983, il inaugure rue du Bac l’Association "Relais France-Chine" avec la collaboration de quelques anciens de Chine comme le Père Pierre Grasland (1906-1989) autrefois enseignant au grand séminaire de Hebachang, le Père Auguste Kérouanton (1923-1986), également du Sichuan et le Père Chagny, ancien de Moukden. Outre l’accueil des étudiants de Chine, "Relais France-Chine" veille à informer les Français de la situation en Chine entre autres en publiant un bimensuel Zhonglian en français. Des dossiers concernant la situation en Chine sont également fournis à l’agence d’information des Missions Étrangères "Églises d’Asie".
Les anciens de Chine encore en vie en 1980 sont environ une cinquantaine. Un certain nombre d’entre eux reprennent alors contact de leur propre initiative et se rendent en Chine dans leur ancien diocèse, offrant quelques subsides à leurs ouailles qu’ils retrouvent vieillis de 40 ans. Quelques-uns entreprennent des relations suivies. Le P. Robert Juigner (1917-...) du Japon renoue des liens suivis avec Sébastien, son ancien séminariste du Guizhou qui parle et écrit encore fort bien le français. Le P. Aimé Julien (1917-2004), fondateur d’une grande école chinoise à Penang en Malaisie, retourne à Guiyang retrouver de vieux amis. Le P. René Sylvestre (1916-...) retrouve sa communauté de Swatow, d’abord timidement puis au grand jour pour l’inauguration de la nouvelle cathédrale de Shantou. Mais cette vieille garde disparaît peu à peu et le service Chine doit compter sur des jeunes pour continuer sa tâche. En 1989, le P. Georges Colomb (1953-...) est envoyé à Taiwan avec une destination "monde chinois" qui indique une priorité à donner à la Chine elle-même dans la mesure où il est possible d’y travailler. Cette possibilité existe comme l’a déjà montré Pierre Jeanne en étudiant le mandarin à Shanghai puis en enseignant le français à Canton, une tâche qu’il poursuivra plus tard à Pékin, Xi’an, et enfin Qufu au Shandong. Georges Colomb, pour sa part, enseigne le français à Kunming dès 1990 puis à Dalian dans le nord-est. Il inaugure en outre un système de placement de jeunes volontaires français dans les instituts de langue et universités chinoises.
Chaque année, une dizaine de jeunes français peuvent ainsi partir en Chine et y enseigner pour une durée d'un ou deux ans. Ils peuvent ainsi répondre aux questions des étudiants et professeurs chinois concernant leur foi chrétienne et découvrir pour leur part toutes les ressources humaines et spirituelles des Chinois. De leur côté les étudiants chinois affluent en France. À partir de 1994, quelques-uns d’entre eux sont des séminaristes et des prêtres. La maison des Missions Étrangères à Paris les accueille en même temps que des prêtres vietnamiens, coréens, indiens, birmans, thailandais et indonésiens. Étant données les années d’isolement qu’ils ont vécu et la pression politique encore exercée sur leur Église par leur gouvernement, ces étudiants chinois de théologie doivent bénéficier de moyens de formation adaptés à leur situation. Une retraite et session annuelle en chinois est organisée pour eux chaque année dans l’un des pays d’Europe qui les accueillent.
Un colloque sur l’échange théologique Chine-Europe est organisé à Paris en novembre 1995. La session annuelle qui a lieu en France en 1998, offre à une quarantaine d’étudiants de théologie une semaine de retraite à Lisieux, une semaine de spiritualité à Lourdes et une semaine de direction pastorale à Ars. Les Missions Étrangères de Paris prennent également en charge la formation en France de quelques religieuses. Un bilan de douze années d’expérience est présenté au colloque de Triuggio près de Milan en septembre 2006. Les études en Europe apparaissent bénéfiques pour certains et plutôt nuisibles pour d’autres. L’Europe offre un savoir qui leur est difficile à digérer mais ne parvient pas à fournir la formation humaine et spirituelle dont ils auraient davantage besoin.
Heureusement la formation donnée dans les séminaires de Chine s’est de beaucoup améliorée au cours de la dernière décennie et les études en Europe peuvent être réservées aux plus qualifiés. Les étudiants qui ont fait l’expérience de la France, facilitent les échanges après leur retour en Chine. C’est le cas de Jean Tian à Shanghai et de Joseph Peng Xin à Wuhan. Ces échanges restent sans doute limités et discrets. Les confrères de la Société qui s’y consacrent ne sont qu’une douzaine, mais ils ont à cœur de donner à la Chine la place qui lui revient dans la vie de l’Église universelle.
En 1851, le diplomate Alphonse de Bourboulon, alors secrétaire de la légation de France aux Etats-Unis,
est nommé ministre de France en Chine. Il part alors pour l’ Empire du Milieu, accompagné de sa jeune épouse Catherine. Peu après, il est chargé d’établir la première légation de France à Pékin. Elle voit le jour en 1861.
La création de la légation est rendue possible par le traité de Pékin (1860), qui met fin à la Seconde Guerre de l’opium (1856-1860), remportée par les Français et les Britanniques contre les Chinois. Elle est établie dans un ancien fou, un ancien palais impérial, cédé par le prince de Kong, régent de l’Empire.
Toits en porcelaine et en tuiles vernies, portail rouge et or majestueusement ornementé, cour d’honneur entièrement dallée de marbre, fresques délicates, bâtiments immenses, salles de réception somptueuses, nombreux pavillons, parcs et jardins composent notamment cette véritable cité dans la ville qu’est alors la légation française de Pékin. Celle-ci abrite les logements de Monsieur de Bourboulon et son épouse et des employés diplomatiques, mais aussi ceux des domestiques, gendarmes, médecin, ainsi que les écurie, lingerie, magasin aux provisions, chapelle, salle de billard, bibliothèque et bien d’autres encore. Mais le véritable trésor de ce lieu est l’enclos des antilopes, qui émerveille Catherine de Bourboulon, l’épouse du ministre de France. En effet, elle déclare :
« Notons enfin la merveille du parc de la légation de France, l’enclos des antilopes Houan-yang ! Le paysage en est très tourmenté ; il contient des rochers, des vallons, des coteaux, des précipices, des forêts habilement ménagés par le décorateur chinois ; c’est un monde en miniature » (Poussielgue, Voyage…).
Les époux Bourboulon quittent définitivement la Chine en 1862. Les documents postérieurs à leur départ concernant la légation française à Pékin sont alors extrêmement rares. Il s’agit surtout de photographies, souvent anonymes. Ainsi, nous disposons de plusieurs clichés présentant des membres du personnel de la légation dans les années 1880 et dans les années 1900 (voir les documents joints). La vie de la légation semble se dérouler sans encombres majeurs avant 1900, date à laquelle elle est assiégée.
De 1899 à 1901 a lieu, en Chine, la révolte des Boxers. Il s’agit d’un mouvement de contestation contre les Etrangers, les réformes et la dynastie Qing au pouvoir, qui se concentre peu à peu uniquement sur les Etrangers. Dans ce cadre, à partir du 20 juin 1900 commencent les « 55 jours de Pékin », c’est-à-dire le siège des légations étrangères de la cité par les Boxers, rejoints par les troupes impériales. Cette attaque se solde par la victoire de la coalition alliée (Autriche-Hongrie, France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Japon, Russie, Etats-Unis) contre la Chine. Après ces combats, ces batailles, cette guerre, les alliés, vainqueurs mais marqués par le conflit, décident de se venger et commettent à leur tour des pillages et massacres de Chinois dans la cité. Quelques cartes postales, mises en valeur par l’Institut des Sciences de l’Homme de Lyon, permettent de voir la légation française au lendemain de ces événements.
La reprise en main du pouvoir par l'impératrice-douarière Tsou-Hsi (Ci Xi), à la fin de l'année 1898, marque la fin de la tentative de réforme de l'Empereur Kouang-Sou épaulé par le "Confucius moderne" Kang-Yu-Weï. Cette époque que l'on nommera "Les Cents Jours" s’achèvera dans le sang. L’Angleterre venait de perdre son influence politique et la Chine son éveil à la civilisation. Le système chinois n'étant pour s'intéresser ni au bien-être du peuple ni à l'Occident, le pouvoir se lança dans une campagne officieuse anti-européenne. Cette vague anti-étrangère fût portée par les "Boxers". En mai 1900, le massacre de Moukden, celui d'autres villages occupés par des missions et l'arrivée des Boxeurs à Pékin entraîne une réaction des puissances occidentales. Elles mettent sur pied un commandement unifié. Entre le 31 mai et le 2 juin, plus de quatre cent quarante marins anglais, français, japonais, russes, allemands, italiens, américains et autrichiens arrivent à Pékin via Tien-Tsin (Tianjin) pour protéger les légations. Le 5 juin six cents soldats étrangers débarquent à Tanggu (Tangku) et se dirigent vers les légations de Tien-Tsin. Entre le 10 et le 11 juin, une armée comptant plus de mille huit cents hommes de huit puissances, sous le commandement de l'amiral britanique Lord Seymour, débarque à Dagu (Takou ou Taku) et prend la ville. L'armée alliée marche sur Tien-Tsin et Pékin et commet des massacres et des pillages. Les combats sont acharnés autour de Tien-Tsin. Le 20 juin commence la bataille de Pékin. Lors de tous ces événements, l'impératrice Ci Xi (Tzu Hsi) adopte une politique conciliante vis-à-vis des coalisés.
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Le 4 août, près de vingt mille soldats alliés se mettent en route pour la capitale. L'armée se divise en deux parties dont l'une est composée de soldats japonais, anglais et américains, suit la rive gauche du Grand Canal, et l'autre, composée de soldats russes, français, allemand, autrichiens et italiens, suit la rive droite. Le 14 août, Pékin Tombe. Les troupes françaises arrivent le lendemain, avec un jour de retard, après s'être perdues en route.
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Le 1er octobre 2000, le Pape Jean-Paul II canonise 7 femmes martyres de Chine. Ces soeurs des Missions Franciscaines de Marie, furent tuées le 7 juillet 1900 avec 2 pères franciscains dans leur séminaire de Tai-yuen-fou en Chine (Sud Ouest Pékin). | |||
Vers Pékin ... et le Pé-T'ANG. |
1898 |
11 juin Début de la réforme des Cent joursEn Chine, l'empereur Guangxu s'entoure d'un groupe d'intellectuels désireux de réformer l'administration. Ceux-ci tentent de contrer le morcellement de la Chine en diverses zones d'influence européennes en modernisant la politique, l'éducation et l'économie du pays. Inspirées du modèle européen, ces réformes déplaisent fortement à l'impératrice Cixi , traditionaliste et anti-occidentale. Forte de son influence à la cour, elle interrompt les projets de son neveu empereur. Elle favorise ainsi les activités des sociétés secrètes telles que la Yihetuan, société des "Boxers". |
1900 |
20 juin Révolte des Boxers à PékinLes membres de la société secrète chinoise du Yihetuan, "Poings de justice et de concorde", surnommés "Boxers", se soulèvent contre la présence étrangère. Ils envahissent les missions catholiques, assiègent les légations étrangères, tuent des prêtres ainsi que l'ambassadeur allemand von Ketteler. Les puissances coloniales, présentes en Chine depuis la guerre de l'Opium de 1840, réagissent aussitôt, obligeant l'impératrice douairière Cixi à s'enfuir de Pékin. |
1900 |
14 juillet L'armée des occidentaux reprend TianjinFace à la révolte des Boxers, les grandes puissances possédant des intérêts commerciaux en Chine ont formé un corps expéditionnaire, placé sous le commandement du général allemand von Waldersee. Les troupes se composent de Français, d'Américains, de Britanniques, de Russes, d'Autrichiens, d'Allemands, d'Italiens et de Japonais. Aussi, une telle coalition ne rencontre pas beaucoup de difficultés à envahir la ville de Tianjin, le 14 juillet 1900. Seulement un mois plus tard, elle fera son entrée à Pékin, mettant fin à l'insurrection. |
1900 |
14 août Fin de la révolte des BoxersAprès avoir débarqué près de Tianjin, un corps expéditionnaire international commandé par le général allemand Alfred von Waldersee prend Pékin. Il libère les légations européennes, assiégées depuis 55 jours par les nationalistes chinois. C'est la fin de la révolte qui avait éclaté deux mois plus tôt contre la présence étrangère. L'impératrice douairière Cixi s'enfuit avec sa cour. Mais le gouvernement impérial sera condamné à payer une énorme indemnité de guerre. |
1901 |
7 septembre La Chine doit dédommager les puissances étrangèresÀ cause de son soutien à la révolte des Boxers, le gouvernement impérial de Chine est contraint d'accepter les clauses du protocole de Pékin. Il doit ainsi verser d'énormes indemnités aux puissances étrangères. Finalement, l'insurrection des Boxers n'aura servi qu'à accroître un peu plus la dépendance de la Chine vis-à-vis des puissances occidentales et à accélérer la chute de la dynastie mandchoue. |
La Révolte des Boxers (1989-1901) est l'un des épisodes douloureux de l'histoire moderne chinoise. Ces deux années de violences contre la présence étrangère se sont achevées par une nouvelle humiliation pour le peuple chinois, et ont contribué à la désagrégation de la dynastie Qing.
La Révolte des Boxers (1989-1901) est l'un des épisodes douloureux de l'histoire moderne chinoise. Ces deux années de violences contre la présence étrangère se sont achevées par une nouvelle humiliation pour le peuple chinois, et ont contribué à la désagrégation de la dynastie Qing.
Au lendemain des deux Guerres de l’Opium (1839-1842, 1856-1860), la Chine est humiliée en raison de sa défaite contre les Occidentaux. Dans les régions rurales du nord de la Chine, une société secrète entourée par des maîtres d’arts martiaux voit le jour : les Poings de la Justice et de la Concorde (???Yìhétuán), surnommés les Boxers.
Emplis de haine envers toute manifestation étrangère et les missionnaires chrétiens qui évangélisent la population chinoise, ils se préparent à livrer un combat sans relâche envers leurs ennemis jurés. Les tensions sont toujours plus intenses, dans une Chine divisée entre un pouvoir impérial défaillant, une domination étrangère grandissante et une révolte populaire menaçante.
Au total ce sont huit nations (Allemagne, Autriche-Hongrie, France, Grande Bretagne, Italie, Japon, Russie, Etats-Unis) qui luttent contre 100 000 à 300 000 Boxers. Le bilan humain s’élève à 200 missionnaires et 32 000 Chrétiens chinois, massacrés entre l’automne 1899 et septembre 1901. Les pertes du côté des Boxers se comptent au moins en milliers.
La Révolte des Boxers est ponctuée par de nombreux massacres -dans un camp comme dans l'autre- , le sièges des légations étrangères et d'édifices religieux, de sabotages systématiques des techniques étrangères telles que les voies ferrées et le télégraphe, ainsi que par l’intervention d’une flotte militaire internationale de plusieurs milliers de soldats.
Cet évènement reste certainement l’un des plus humiliants de l’histoire de la Chine.
La société secrète des "Poings de justice et d'harmonie" a été à l'origine de la Révolte des Boxers (1899-1901). Comptant entre 50 000 et 100 000 membres à son apogée, son idéal était d'éradiquer par la violence toute forme d'occupation étrangère en Chine
Dans les régions rurales du Nord de la Chine, touchées par la sécheresse et la pauvreté, et plus précisément le Shandong, une société secrète voit le jour : «Les Poings de justice et d’harmonie», appelée les Boxers par les Occidentaux. Au début fermement opposés à la dynastie des Qing, les Boxers leurs vouent ensuite fidélité afin de lutter ensemble contre la menace des «diables étrangers» qui se sont installés dans des concessions étrangères à partir des deux guerres de l’Opium.
Nourris par un fort sentiment nationaliste voire xénophobe, les Boxers se préparent depuis longtemps à combattre en pratiquant des arts martiaux de façon rudimentaire, encadrés par des maîtres qui puisent leur inspiration essentiellement dans le taoïsme.
Inscrit dans la grande tradition chinoise des sociétés secrètes, le mouvement des Boxers trouve ses origines parmi différents courants de protestation issus principalement des basses classes sociales chinoises. On retrouve de jeunes paysans qui ont perdu leur emploi à cause de l’arrivée des nouvelles techniques occidentales (train, télégraphe…), des soldats démobilisés et des artisans ruinés. S’ajoutent aussi des membres à tendance xénophobe et tous ceux qui rejettent initialement la dynastie Qing et tous ses partisans.
Les Boxers attirent de nouvelles recrues et le soutien du peuple en jouant avec leurs superstitions. Pour prouver leur invulnérabilité, leurs chefs se font tirer dessus avec des balles à blanc. Quelques femmes se joignent au mouvement. On les surnomme les «lanternes rouges» ; elles seraient capables de s’élever dans les airs et de brûler les maisons…
Si la Révolte des Boxers visait à l'origine la dynastie mandchoue des Qing tout autant que les puissances étrangères présentes en Chine, elle devint rapidement un outil du pouvoir impérial. Notamment parce que l'impératrice douairière Cixi a décidé de soutenir le mouvement.
Si les Boxers sont déterminés à lutter, c’est surtout au cœur de la Cité interdite, que tout se joue. Symbole incontesté du pouvoir depuis des siècles, le régime impérial s’essouffle et son unité est menacée. Les prises de décisions sont ralenties par les divisions constantes parmi les conseillers, les complots et les luttes d’intérêt. La gestion du pays échappe peu à peu au pouvoir impérial.
L’empereur Guanxu est déterminé à faire des réformes dans tout le pays mais ces dernières sont sabotées par les conservateurs qui le considèrent à la solde des étrangers. Mais c’est l’impératrice douairière Cixi qui mène ce mouvement d’opposition ; elle sait que si l’autorité de l’empereur est contestée, elle pourra prendre le pouvoir.
Dans ces luttes d’intérêt, les relations entre le pouvoir impérial et les Boxers sont déterminantes. En tolérant cette société secrète, l’impératrice penset qu’elle pourra écarter les étrangers et donc l’empereur Guangxu, pour lequel ils éprouvent une certaine sympathie. La répression totale des puissants Boxers serait d’ailleurs une menace pour l’empire qui pourrait être anéanti.
Mais les conseillers modérés ne sont pas de cet avis. Ils considèrent la puissance étrangère supérieure et capable de vaincre l’armée chinoise. Ils expriment leur volonté d’écraser les Boxers pour calmer les Occidentaux. Les ultras-conservateurs fermement opposés à la présence étrangère, sont notamment représentés par le prince Duan. Ce dernier à tout intérêt à laisser les Boxers anéantir les étrangers : Guangxu perdra le pouvoir et le prince Duan pourra mettre son fils, héritier légitime sur le trône…
Derrière son rideau de soie, l’impératrice douairière doit donc faire preuve d’habileté envers le mouvement des Boxers pour faire pencher la balance du « bon » côté. La révolte des Boxers cache bien plus qu’une lutte contre les étrangers…c’est aussi l’avenir du pouvoir impérial qui se joue.
En janvier 1900, l'impératrice Cixi reconnaît les sociétés secrètes avec un édit. Dès le mois de mai la même année, la cour organise des milices de Boxers dans Pékin. Au moins de juin, lorsque de nombreux Boxers arriveront dans la capitale pour assiéger les légations étrangères, les forces impériales ne font rien pour les arrêter. Et dès la mi-juin, des troupes impériales se joignent à l'attaque des légations auprès des Boxers.
Difficultés économiques de l'époque, omniprésence étrangère et prosélytisme religieux de la part des missionnaires chrétiens en Chine : les causes de la Révolte des Boxers et les raisons de son extrême violence sont multiples.
La Révolte des Boxers trouve ses racines près de 40 ans après la seconde guerre de l’Opium (1856-1860). Cette période post-conflictuelle est marquée par l’humiliation de la défaite chinoise et une forte domination occidentale. Les étrangers mènent une vie privilégiée dans les concessions établies par le traité de Nankin en 1842, dans lesquelles la juridiction de leur pays prévaut.
Britanniques, Allemands, et Français notamment, vivent ainsi dans des quartiers qu’ils se sont pleinement appropriés entre autre à Shanghai et aux abords de la Cité Interdite à Pékin. La Chine est également contrainte par les Occidentaux à ouvrir ses portes au libre échange et aux navires de commerce internationaux.
Très vite, un climat hostile s’installe. L’Empire du milieu souffre des divisions au sein même du pouvoir impérial - entre l’Empereur Guangxu et l’impératrice douairière Cixi-, de la présence étrangère matérialisée par l'existence des légations, et de la "menace" que représentent les missionnaires chrétiens, convertissant près d'un million de Chinois vers 1900. Loin de la capitale chinoise vit aussi toute une population rurale dépourvue de travail avec l’arrivée des nouvelles techniques étrangères telles que les trains, les bateaux à vapeur et le télégraphe.
Les Occidentaux apparaissent alors comme de véritables «diables étrangers» qui perturbent le Fengshui, l’équilibre naturel du monde. La sécheresse qui s’abat durablement en Chine à partir de 1899 et la famine qui en découle sont d’ailleurs attribuées par un grand nombre de Chinois à une malédiction chrétienne.
D’étranges rumeurs racontent que les missionnaires s’adonnent à des rites étranges pour repousser les nuages et faire perdurer la sécheresse. De leur côté, les Occidentaux ne considèrent pas mieux les Chinois qui sont souvent à leurs yeux des domestiques avec lesquels ils doivent se contenter de cohabiter.
Le principal objectif de la Révolte des Boxers était de détruire la présence étrangère, missionnaires et convertis chrétiens inclus. Une fois le soutien du pouvoir impérial acquis, les insurgés se sont donc lancés dans une vaste chasse à l'étranger, finalement réprimée dans le sang par un corps expéditionnaire international.
Au cœur de la Cité Interdite, l’Empereur Guangxu entreprend des réformes radicales pour faire de la Chine un pays sur le modèle des nations occidentales industrialisées. Ses choix lui valent l'hostilité de certains membres les plus conservateurs de la cour, dont le prince Duan, qui le considèrent sous la coupe des étrangers.
Loin des préoccupations de la capitale, dans la province du Shandong, la société secrète des "Poings de justice et d'harmonie", essentiellement composée de jeunes paysans sans travail, de gens démunis qui pratiquent des arts martiaux encadrés par des «maîtres de Boxe», s’organise. Ces individus affichent une aversion croissante envers les «démons étrangers» ainsi que leurs produits et technologies.
Dès 1898 des voies de chemin de fer financées par les investisseurs allemands sont sabotées. En réponse, les Occidentaux massacrent une dizaine de civils chinois et détruisent une centaine de maisons en bordure de la voie ferrée. Cet incident ne fait qu’attiser la haine des Boxers. S’en suivent des démonstrations de force avec l'assassinat du missionnaire britannique Sydney Brooks en 1899, puis des attaques répétées sur des Chinois chrétiens par les Boxers.
Désormais soutenus par le pouvoir impérial, l'impératrice douairière Cixi voulant utiliser la révolte pour vaincre les puissances étrangères, de nombreux Boxers entrent dans la capitale sans qu'aucune résistance ne leur fasse face.
De leur côté les Occidentaux concentrent une flotte internationale sur les côtes de la Chine et font entrer plus de 350 soldats appartenant à la coalition des huit nations à Pékin. Cette entrée forcée est vécue comme une humiliation par la Chine.
L’assassinat de l’ambassadeur d’Allemagne à Pékin par les Boxers scelle le destin des Occidentaux qui refusent l’ultimatum de l’impératrice Cixi : au lieu de partir, les ressortissants se préparent à tenir un siège dans le quartier des ambassades de Pékin. Le renfort de soldats de la flotte internationale n’arrive pas en temps prévu, pris d’assaut à plusieurs reprises par les Boxers, notamment à Tianjin.
Les assiégés doivent résister 55 jours aux attaques conjointes des Boxers et de l’armée impériale, en s’adaptant à des conditions précaires : baisse des stocks de munitions et de l’approvisionnement en nourriture, cas de dysenterie. Les 3 000 Chinois convertis abrités dans le quartier des ambassades vivent dans des conditions déplorables, entassés les uns sur les autres et laissés pour compte par les Occidentaux qui ne leur donnent que le minimum syndical d’approvisionnement en nourriture.
La situation s’envenime. La cour impériale perd le contrôle de son armée et les Boxers s’apprêtent à porter le coup d’assaut final. Mais le corps expéditionnaire tant attendu de 14 000 hommes fait enfin son entrée dans la capitale. L’impératrice et la cour impériale prennent la fuite et le 15 août 1900 les troupes internationales prennent possession de la Cité interdite, marquant la fin d’un évènement des plus humiliants pour la Chine.
La Chine est contrainte de se plier aux quatre volontés des étrangers, avec la signature d’un protocole de «paix» le 7 septembre 1901 entre le gouvernement des Qing, de retour à la Cité interdite depuis le 16 janvier 1901, et les huit nations étrangères.
Les Chinois doivent chasser les mandarins qui ont soutenu les Boxers. La protection des quartiers des légations à Pékin est renforcée et placée sous le contrôle exclusif des Occidentaux qui en interdisent catégoriquement l’accès aux résidents chinois. L’humiliation est à son comble avec le versement obligatoire d’indemnités de guerre aux Occidentaux à hauteur de 450 millions de taels payables en or sur 39 ans, une somme qui représente quatre fois le montant annuel des impôts.
Les Occidentaux obtiennent également de force le consentement du gouvernement chinois pour raser les forts de Taku, qui protégeaient l’estuaire de la rivière Hai He, et tout autre obstacle susceptible d’entraver la libre communication entre Pékin et la côte. La Chine perd également son honneur en constatant une fois de plus son infériorité militaire face aux étrangers, qui interdisent, avec le protocole, l’import d’armes pendant deux ans.
En plus des punitions sévères infligées par le protocole, les Chinois subissent une lourde répression. Les puissances étrangères demandent l’exécution ou l’exil des personnalités qui ont soutenu la Révolte des Boxers. Plusieurs fonctionnaires sont ainsi décapités et d’autres démis de leur fonction pour avoir laissé se développer des mouvements anti-étrangers.
Si la Révolte des Boxers s’est soldée par un échec, le mouvement a apporté un courant nouveau dans l’histoire avec les premières bases du nationalisme chinois. Celui-ci traduit une indignation face à l’échec de la dynastie Qing dans la défense du pays face aux étrangers. L’échec des Boxers et du pouvoir impérial marque aussi la défaite d’un mouvement conservateur au profit du modernisme.
Afin de moderniser le pays, l’impératrice Cixi entreprend à contrecœur des réformes en supprimant notamment le système archaïque des examens d'entrée dans la fonction publique, pour laisser place en 1906 à un Ministère de l’Instruction. L’armée manchoue, mise en échec dans la défense de la Chine, a prouvé son inefficacité et subit également des réformes sous la direction de Yuan Shikai.
Mais les réformes ne suffisent pas à rétablir la crédibilité du pouvoir impérial qui souffre aussi de divisions entre ses conseillers conservateurs et modérés. Les Qing sont remis en cause par une majorité du peuple chinois avec la résurgence d’un sentiment anti-manchou, nourri par les sociétés secrètes du Lotus Blanc ou de la Triade, qui préparent des soulèvements dangereux. En 1908, les décès successifs de Guangxu et Cixi marquent un tournant dans le destin de l’Empire. Ils sont remplacés par le jeune empereur Puyi, dont la position très conservatrice ne suffit plus aux réformateurs. La chute de l’Empire et l’avènement de la République de Chine avec Sun Yat-Sen se rapprochent…
La Révolte des Boxers reste encore peu connue aujourd’hui…pourtant, ses traces restent bien plus évidentes que l’on ne le pense.
Ne faut-il pas connaître son passé pour comprendre le présent ? L’actualité sur les relations entre la Chine et les pays occidentaux en témoigne certainement. La plupart des Occidentaux sont, pour donner un exemple, déconcertés face aux pratiques de la Chine sur la question du transfert des technologies. Pourtant, les Occidentaux ont déjà connu cette situation à l’époque des Boxers. L’idée était alors d’emprunter à l’Occident ses technologies pour faire face à la menace étrangère grandissante. «Il était entendu que l’on emprunte à l’Occident sa technologie, mais que l’on préserve l’essence de la civilisation chinoise».
La Révolte des Boxers et toute la période de colonisation qui la précède ont aussi laissé des traces «physiques». Les voyageurs partis à la découverte de la Chine ont certainement au moins une fois suivi les traces des Boxers au détour d’une ruelle, en passant devant un monument symbolique, qui sait ?
A Pékin s’élève toujours la Cathédrale de Beitang (ou Cathédrale de Xishiku - ??????), édifiée par les Jésuites au XIème siècle et prise d’assaut par les Boxers. La ville de Tianjin quant à elle abrite le temple Luzutang (???), aujourd’hui musée de la Rébellion des Boxers, et la cathédrale Saint-Joseph…la liste est encore longue et fascinante.
Combats (été 1900) : Bataillons de réguliers chinois avec des fusils Mauer.
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Délivrance de Peking du 14 au 24 Août 1900 : premiers arrivés à la légation d'Angleterre.
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Délivrance de Peking du 14 au 24 Août 1900 : premiers arrivés à la légation d'Angleterre.
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Soldats Allemands, Français, Indiens et Russes dans une rue de Tangho.
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Soldats des troupes expéditionnaires devant des têtes de Boxers coupées.
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Travailleurs Chinois devant la caserne d'artillerie de la marine de guerre allemande à Tientsin.
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Le Feld-maréchal Waldersee (1832-1904) inspectant les troupes internationales.
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Groupe de Boxers.
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Délégation chinoise menée par le prince Chuni à Potsdam (Allemagne) le 4 septembre 1900.
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Revue des troupes de l'Amiral Edward Seymour le 6 août 1900 et salutations des généraux Sang, Tong et Li (?) à Yangtsung.
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"premier arrivé, premier servi". Français et Allemands sont à la porte.
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Délégation chinoise menée par le prince Chuni reçue par le Kaiser Wilhelm II dans son nouveau palais de Potsdam en septembre 1900.
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Manoeuvre de troupes japonaises dans un champ.
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Groupe de soldats allemands.
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Les Japonais, premiers arrivés à Peking.
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Soldats franchissant un pont à Peking.
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Scène de rue lors de l'intervention.
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Les légations à Peking.
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Bataille de Peking 14-24 Août 1900 : Soldats Bangalais à la parade.
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Bataille de Peking 14-24 Août 1900 : Un Japonais et un officier Allemands passent en revu des soldats japonais.
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Bataille de Peking 14-24 Août 1900 : décapitation de Boxers.
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Bataille de Peking 14-24 Août 1900 : décapitation de Boxers.
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Bataille de Peking 14-24 Août 1900 : décapitation de Boxers par des soldats japonais.
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Exécution de dirigeants Boxers par des officiers Gendarmes.
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Débarquement de troupes Américaines.
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Aux portes de Péking le 3 août 1900.
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Aux portes du palais impérial sur le pont de Marbre (16/08/1900).
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A l'intérieur des défenses des légations.
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Désolation aux Légations étrangères.
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Spectacle après les combats autour des légations.
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Vue sur le Pé-T'ang en Août 1900
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Le 28 août 1900, pour la première fois les troupes Russes, Japonaises, Anglaises, Américaines, Françaises, Allemandes, Italiennes et Autrichiennes marchent en une seule colonne.
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Les Boxeurs chinois détruisant la ligne Peking-Hongkong.
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Evènements de Chine : les étrangers sous la garde des réguliers chinois.
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Assassinat du Baron von Ketteler, ministre d'Allemagne, le 20 Juin 1900.
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Les marins allemands brûlent le Tsung-li-Yamen le 20 juin 1900.
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Evénements de Chine : les légations délivrées du 14 au 24 Août 1900.
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En Chine : les éxecutions à Pao-Ting-Fou.
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'Corps expéditionnaire Allemands combatant les Boxers en 1900'.
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'Ein Spuk am hellen, lichten Tage'. Caricature : Russie, Japon, Allemagne, Angleterre et Italie se partageant des morceaux de Chine.
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'Un chef-d'œuvre chinois. YüSien, Sing, Sang et Tschang se convainquent de l'exactitude de la livraison de leurs têtes aux alliés de Pékin'.
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Corps expéditionnaire allemand (1900) : Départ "d'Ostasien".
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Corps expéditionnaire allemand (1900) : Port de Kiautschou.
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Corps expéditionnaire allemand (1900) : Arrivée des Troupes en Chine.
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Bataille des forts de Taku (17 Juin 1900) : S.M. Kanonenboot Iltis sous le feu.
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Bataille des forts de Taku (17 Juin 1900) : Prise des forts par les soldats Autrichiens et l'infanterie de marine Allemande.
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Bataille des forts de Taku (17 Juin 1900) : Bombardement de la marine internationale.
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Exécution des assassins du ministre von Ketteler le 16 Juin 1900.
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Prise du fort Hsiku le 22 Juin 1900. Lord Seymour passe en revue les troupes allemandes commandées par le capitaine de corvette Buchholz.
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Exécution de Boxers par les commandos de l'infanterie de marine allemands.
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Combats (été 1900) : Défilé des fanions boxers pris à l'ennemi.
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Combats (été 1900) : contre les troupes chinoises sur la ligne Tientsin-Peking.
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Combats (été 1900) : Les pioniers allemands dans une passe.
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Couverture d'un cahier de brouillon d'écolier
Texte au Verso: "Un consul français prisonnier à Yunnamfu (juin 1900)": "L'insurrection chinoise qu'on croyait tout d'abord localisée dans le Petchili, a pris subitement les proportions d'un véritable soulèvement. Dans le Yunnam, notre consul M. François, a eu à se défendre contre les cruautés des Boxers. Par l'intermédiaire de notre vice-consul à Mong-Tsé, il a envoyé en France la dépêche suivante: "Attaqués le 10 à la sortie de Yunnam-Fou, nous avons été forcés de rentrer dans la ville. Tous nos bagages ont été pillés. Les établissements des missions et du chemin de fer ont été incendiés, excepté ma demeure, où j'ai rassemblé nos nationaux et où nous avons tenu avec nos fusils. Au bout de 48 heures, les mandarins ont enfin pris des mesures. Je les ai mis en demeure de nous conduire à la frontière, et j'attends qu'ils répondent des routes. Il y a urgence que le gouvernement exige impérieusement notre sortie, car nous sommes comme prisonniers". Au reçu de cette dépêche, notre ministre des Affaires étrangères a enjoint à l'ambassadeur de Chine à Paris de télégraphier d'urgence au vice-roi du Yunnam que sa vie répondait de celle de nos compatriotes. Devant cette attitude énergique, le vice-roi fit mettre en liberté le consul français et son escorte." |
Durant la première guerre mondiale, français et anglais utilisèrent des travailleurs chinois comme travailleurs et d'auxiliaires. Recrutés dans les ports Chinois, ils étaient originaires de Qingtian et de Wenzhou, villes du sud de la Chine, dans la province rurale du Zhejiang.
Ils arrivèrent en France dans les pires conditions. Les premiers travailleurs débarquèrent en juillet 1916 à Marseille. En avril 1917, une importante partie de la main d'oeuvre chinoise arriva de nouveau en France afin d'accomplir les tâches industrielles ou agricoles les plus pénibles. Les chiffres sont discutés mais on compte près de 140 000 chinois recrutés durant la Guerre (40.000 pour les Français et environ 100.000 pour les Britanniques : les Chinese Labour Corps -CLC). Mal adaptés, nombre d'entre eux n'ont pas survécu aux épidémies et aux mauvais traitements.
Le 23 mai 1918 à Noyelles-sur-Mer, des chinois s'enfuient d'un camp anglais, terrorisés par un bombardement. La plupart ne sont découverts que plusieurs jours plus tard, certains affamés, rendus fous ou morts d'épuisement. À la fin de la guerre, les Chinois furent « employés » à la recherche des bombes qui n'avaient pas explosé, au « nettoyage » des tranchées.
Les contrats qu'ils avaient signés stipulaient qu'ils ne devaient pas participer aux combats ou se trouver sur la ligne de front, mais malgré cela certains y furent exposés. De nombreux accrochages opposèrent les ouvriers chinois avec les autorités françaises en raison des mauvais traitements qu'ils subirent. De plus, de nombreux ouvriers furent spoliés et ne reçurent jamais réellement leur salaire.
On ne connaît pas les chiffres précis du nombre de chinois morts durant la guerre, les chiffres varient entre quelques centaines et plusieurs milliers. On trouve des stèles funéraires dans différentes communes, en particulier du Nord de la France de France : Sains en Gohelle (49 stèles), Ruminghem (75 stèles)… On estime que 2 000 à 3 000 chinois restèrent cependant vivre en France après la guerre.
La France reconnaitra tardivement le rôle de ces travailleurs chinois. Cependant une plaque commémorative est apposée en 1988 dans le XIIIème arrondissement de Paris, place Baudricourt, à la mémoire des Chinois de la Grande Guerre.
VILLE | DEPARTEMENT | Nombre de Tombes |
RUMINGHEM | PAS-DE-CALAIS | 75 |
NOYELLES-SUR-MER | SOMME | 842 |
ST ETIENNE-AU-MONT | PAS-DE-CALAIS | 160 |
AYETTE | PAS-DE-CALAIS | 54 |
TINCOURT | SOMME | 58 |
ETAPLES | PAS-DE-CALAIS | 1 |
MAZARGUES | BOUCHE-DU-RHONE | 6 |
LONGUENESSE | PAS-DE-CALAIS | 64 |
LES BARAQUES (Blériot Plage) | PAS-DE-CALAIS | 203 |
CHOCQUES | PAS-DE-CALAIS | 16 |
GEZAINCOURT | SOMME | 4 |
ST SEVER | SEINE MARITIME | 44 |
BLARGIES | OISE | 22 |
LE PORTEL | PAS-DE-CALAIS | 1 |
FOSSE N°10 Sains-en-Gohelle | PAS-DE-CALAIS | 49 |
ALBERT | SOMME | 1 |
CHARMES | VOSGES | 3 |
En France, la mobilisation générale du 2 août 1914 envoie des millions d’hommes au front et vider les usines de leurs ouvriers.
Le besoin de main-d’œuvre se fait très rapidement sentir dans tous les secteurs de l’activité économique française, en particulier dans le secteur de l’industrie métallurgique. Dans un conflit de si grande envergure, il est impératif de créer des usines d’armement et de relancer l’économie nationale. Inévitablement, il faut faire appel aux travailleurs coloniaux et étrangers.
Or, depuis la moitié du XIXe siècle, les « puissances coloniales » considèrent la Chine comme un vaste réservoir de main d’œuvre. Au début de 1915, les autorités françaises entament donc des négociations avec le gouvernement chinois pour utiliser des travailleurs chinois afin de soutenir l’effort de la guerre et le 14 mai 1916 des accords sont signés pour le recrutement de la main d’œuvre chinoise. La première clause du contrat énonce que le travailleur chinois ne doit être destiné à aucune sorte d’opération militaire.
Durant la première guerre mondiale, la Grande-Bretagne, pays allié où le service militaire n’est pas obligatoire, envoie un corps expéditionnaire dans le nord de la France. Ce corps militaire avait besoin de main d’œuvre pour exécuter des travaux de terrassement, de réfection des routes, et des chemins de fer et construire des baraquements. Le 5 octobre 1916, le gouvernement britannique, à l’instar de son homologue français, décide donc de recruter des travailleurs chinois dans les concessions territoriales en Chine. Tout comme la France, la Grand-Bretagne statue afin que toute opération militaire soit naturellement interdite pour les Chinois recrutés.
Entre 1916 et 1918, l’Angleterre recrute ainsi plus de 100 000 travailleurs chinois et la France près de 38 000, dont 10 000 sont mis à la disposition du corps expéditionnaire américain vers la fin de la guerre (février 1918). Après l’armistice, les travailleurs seront rapatriés dans leur pays, à l’exception de 3 000 d’entre eux (chiffre officiel), qui ont constitué la première vague d’immigration chinoise en France.
Venus en France pour occuper des emplois dans l’industrie et l’agriculture, les Chinois sont en fait employés à toutes sortes de tâches, aussi bien la construction de dépôts de munitions ou de lignes de chemin de fer qu’à la réfection des routes, des maisons détruites, ou encore le nettoyage des champs de bataille. Ils travaillent également dans les villes portuaires au chargement et déchargement des navires.
D’autres sont employés dans les manufactures d’armes et de munitions, dans les chantiers navals ainsi que dans les constructions mécaniques ou aéronautiques. Certains de ceux qui sont au service de l’armée britannique creusent des tranchées pour les soldats, ce qui constitue une violation de leur contrat de travail.
Au lendemain de la guerre, des travailleurs constitués en unités sont encore employés au déminage des champs de bataille, ou encore l’exhumation et à l’inhumation des soldats tués pendant les combats.
Extraits du livre « Chinois de France : un siècle de présence de 1900 à nos jours » par Yu-Sion Live
Les conditions de travail.
Les contrats ne sont pas les mêmes non plus : chez les Anglais, les travailleurs chinois sont intégrés dans Chinese Labour Corp et doivent œuvrer dix heures par jour, 6 ou 7 jours par semaine (les témoignages diffèrent). Le tout pour un salaire de 1 franc par jour. Chez les Français, intégrés à l’armée, leur contrat de travail stipule qu’ils doivent recevoir le même traitement que les auxiliaires européens. Rien ne dit que cela ait été le cas. Ils reçoivent entre 1 et 5 francs par jour. A cette occasion, le syndicat CGT fait quelques manifestations pour demander l’égalité de traitement entre tous les travailleurs et éviter une sorte de « dumping » social.
Selon le contrat qu’ils ont signé, pour une durée renouvelable de trois ans, les travailleurs chinois ne combattent pas et ne doivent pas être exposés aux bombardements. Ils sont là pour faire ou réparer des routes, poser des rails de chemin de fer, construire des baraquements. Mais certaines unités britanniques les emploient également pour ramasser les corps des soldats, creuser des tranchées, parfois sous le feu ennemi. Certains se rebellent contre les autorités françaises ou anglaises et finissent par croupir dans les prisons de leurs propres campements. D’autres, compte tenu du maigre salaire – parfois sans salaire du tout – commettent des effractions et se retrouvent arrêtés par la gendarmerie. Des affaires de meurtres sont attestées près de la ville de Rue.
D’autres encore sont employés loin du front : ils travaillent dans des manufactures d’armes, dans les ports pour décharger les navires de guerre ; certains sont utilisés dans des houillères des usines aéronautiques ou navales, ou des massifs forestiers.
Joseph de Valicourt : « Heureusement, ils étaient étroitement encadrés par des sous-officiers et des soldats anglais ; solides gaillards munis de gourdins et qui, tels des chiens de berger, allaient et venaient le long des colonnes de coolies. Car ceux-ci marchaient toujours en file indienne, ce qui constituait une véritable noria entre le camp et la gare à 1.200 mètres, d'où ils ramenaient ravitaillements, et matériaux de toute sorte pour l'entretien des pistes, des places du camp et même des tennis pour les officiers. »
Des hommes traumatisés.
Loin de leur pays, de leurs habitudes et de leurs coutumes, face à des populations toujours inquiètes, parfois hostiles, de nombreux travailleurs chinois sont rapidement traumatisés par cette nouvelle vie. Ils viennent de leur campagne, sont habitués aux conditions de vie très dures, mais les voilà plongés au cœur d’un conflit gigantesque avec des bombardements incessants, des avions qui font des piqués sur les lignes et les camps, des automobiles qui klaxonnent pour se frayer un chemin au milieu d’eux. A Noyelles-sur-Mer, le 23 mai 1918, pris sous le feu d’un bombardement formidable, certains s’enfuient, n’hésitant par à escalader les enceintes barbelées de leur camp. La plupart ne sont retrouvés que quelques jours plus tard, affamés, hagards, devenus à moitié fous, errant en pleine campagne.
Pour d’autres, ce sont les maladies qui les déciment : grippe espagnole, rougeole, tuberculose (…) ou les mauvais traitements infligés par leurs gardiens ou leurs employeurs. Et puis, il faut aussi compter plusieurs milliers qui meurent directement au combat en creusant des tranchées ou en déminant des terrains. Au total, plus de 8.000 travailleurs chinois décèdent pendant cette période.
Des remerciements bien particuliers…
Bien sûr, à la fin de la Première Guerre mondiale, les gouvernements anglais et français s’empressent de remercier l’Empire chinois pour son aide précieuse. Et ce d’autant que la Chine a déclaré la guerre au Reich en août 1917. Pour autant, au congrès de Versailles, en 1919, les Alliés acceptent les demandes japonaises de reconnaître leur annexion des concessions allemandes en Chine !
Cinq années plus tôt, en accord avec les Alliés, les forces japonaises ont envahi toutes les concessions allemandes en Chine (notamment la région de Tsingtao), et dans le Pacifique (îles Marshall, Salomon, Samoa…). En 1917, elles tentent même de pénétrer en Russie, alors en pleine révolution, mais échouent et s’en retournent. Les Anglais signent un pacte d’alliance avec les Japonais et les Américains reconnaissent la légitimité de ces annexions. En 1922, sous l’impulsion de la Société des Nations, le Japon accepte néanmoins de rendre les anciennes concessions à la Chine… mais pour mieux revenir en 1931 avec la guerre en Mandchourie !
Après la guerre.
Quant aux travailleurs chinois, s’ils sont encore près de 80.000 à être présents sur le sol français en mars 1919, bientôt ils repartent vers leurs terres d’origine. Mais certains s’installent. Ainsi, les archives de la Somme font état de plusieurs chinois fondant des foyers dans ce département. Pour d’autres, environ 3.000, c’est l’implantation en Région parisienne, dans des villages comme Noisy-le-Grand ou Torcy et bien entendu le 13ème arrondissement de Paris, qui n’est pas encore nommé « Chinatown ».
Les cimetières chinois en France.
« Quel étrange petit trou de verdure niché dans un trou de la Somme. Un chemin au milieu de nulle part, un enclos au milieu des champs : des stèles blanches, alignées comme les croix à Verdun, 838 exactement, fichées dans un gazon plus anglais que picard, à l’ombre de gigantesques pins, des petites fleurs proprettes, une entrée comme un temple chinois. Personne en vue. Et des inscriptions en anglais et en chinois sur les fameuses petits stèles : Li Chan Kuei, 1917 ; Sun Chan Kuei, 1918 ; Kuoyou King, 1919 ; Wang Ta Chi, décembre 1917 ; Lu Lung Fa, décembre 1917 ; Yen Huai Kung, 1917… ». Au mois de juillet 2010, la journaliste de Libération, Emmanuelle Peyret a raconté sa visite au cimetière chinois de Noyelles-sur-Mer.
Aujourd’hui, en-dehors du cimetière de Nolette à Noyelles-sur-Mer, des tombes individuelles de 160 Chinois demeurent dans le cimetière militaire de la commune de Saint-Etienne au Mont dans le Pas-de-Calais. Mais il existe aussi plusieurs tombes de travailleurs chinois disséminées dans les carrés militaires ou les nécropoles. Ainsi, à Etaples, port situé près de Boulogne-sur-Mer, à l’écart des 12.000 tombes des soldats de l’Empire britannique, repose Fu Pei Chen, originaire de Tianjin, connu aussi sous le matricule n° 9436 avec cette épitaphe : « Une bonne réputation demeure à jamais » !
Des erreurs.
Enfin, il convient d’être indulgent avec les officiants des hôpitaux et ceux de l’armée française, dans la gestion des cimetières militaires. Après la fin de la Première Guerre mondiale, les services des identifications et des statistiques sont tellement submergés par le nombre total de victimes, les nationalités différentes, et le manque d’indication parfois sur les origines des morts, que des erreurs existent. Ainsi, à Issy-les-Moulineaux, au carré militaire, Foo Sien Wang est enterré sous une stèle musulmane…